BRUXELLES – Le FBI et la CIA des Etats-Unis ont tous deux conclu que la Russie a mené une campagne de piratage et de désinformation visant à influencer l'élection présidentielle américaine en faveur de Donald Trump. Nous ne saurons probablement jamais le degré exact de succès de la cyber-opération russe, mais ce que nous savons est que le Kremlin a obtenu le résultat qu'il voulait. Le magazine Time a eu tort de nommer Trump personne de l'année. De toute évidence, ce fut l'année du président russe Vladimir Poutine.
L'attaque contre les Etats-Unis pourrait annoncer davantage d’ingérence dans les élections en Europe, où les fonctionnaires se sont lancés dans une course contre la montre destinée à contrer les cyber-opérations russes avant une série d'élections importantes en 2017, notamment aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Les cyber-attaques qui ont eu lieu par le passé en Europe présentent une étrange ressemblance avec le présumé piratage russe du Democratic National Committee des États-Unis.
Au début 2015, un groupe ayant des liens avec le gouvernement russe a piraté le Bundestag allemand, a volé des dossiers confidentiels pour les donner à WikiLeaks, qui les a publiés. L’Office fédéral allemand pour la protection de la Constitution a accusé la Russie d'avoir orchestré des attaques similaires sur les systèmes informatiques du gouvernement allemand. Pendant ce temps, en novembre, la Commission européenne a également subi une cyber-attaque à grande échelle et, bien que le coupable reste inconnu, il existe très peu de personnes ou d'organisations capables d'effectuer une telle opération.
Les cyber-attaques ne sont qu'un élément dans une guerre hybride plus large que la Russie mène contre l'Occident. La Russie a également aidé les organisations nationalistes d'extrême droite et les mouvements populistes d’Europe, par exemple en accordant des prêts au Front National de Marine Le Pen en France et en accordant aux politiciens du UK Independence Party des espaces d’expression aux heures de grande écoute sur la chaîne de télévision financée par l'Etat russe Russia Today.
Le président américain Barack Obama a finalement promis de répondre à l'assaut de Poutine sur la démocratie américaine, mais il aurait dû faire plus – et agir beaucoup plus tôt. Les Européens seraient insensés de s’attendre à une aide de la nouvelle administration Trump. Le stratège en chef de Trump, Stephen Bannon – un ancien président exécutif du site américain de désinformation « alt-droite » Breitbart News – a ouvertement offert d'aider Le Pen à gagner l'élection présidentielle française au printemps prochain.
Les sources russes officielles admettent avoir dépensé 1,2 milliards d’euros (1,25 milliards de dollars) en campagnes sur des médias étrangers rien que cette année. Dans l'UE, des milliers de faux sites Web d’information sont apparus, dont beaucoup d'entre eux présentent une propriété douteuse: le nombre de sites de désinformation en Hongrie a doublé en 2014; et en République tchèque et en Slovaquie, quelques 42 nouveaux sites polluent aujourd’hui l'écosystème informatif de l'UE. Et, moins subrepticement, le Kremlin a dépensé des centaines de millions de dollars pour financer des outils de propagande – comme l’agence de « presse » Spoutnik – alors même que l'économie russe est en train d’imploser.
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Les campagnes de désinformation de la Russie sont complexes et à multiples facettes, mais participent toutes à la même mission : saper la confiance dans les autorités démocratiques occidentales. L’activisme sur les médias sociaux est une méthode. De plus, les médias sociaux sont également un vecteur clé d’une stratégie russe qui repose sur le révisionnisme historique (l’affirmation que seule la Russie a remporté la Seconde Guerre mondiale est une des pierres angulaires de cette approche); sur des théories de conspiration, promues parmi les mouvements nationalistes européens et américains, qui accusent l'Occident, par exemple, d’inciter à la guerre en Ukraine; et sur le déni de la réalité, comme la présence de troupes russes en Crimée et en Ukraine.
Pour se défendre contre cette attaque, l'Occident devrait promouvoir la liberté des médias, récompenser leur responsabilité, et fournir des moyens juridiques de fermer les canaux de désinformation systémiques. Il est de bon augure que l'UE ait récemment modifié son budget pour 2017 afin de renforcer l'équipe StratCom du Service européen pour l'action extérieure, qui avait été gravement sous-financée, en dépit de sa mission critique de découverte et de démystification de la désinformation. Cependant, l'UE et l'OTAN devraient également tirer la leçon de l'élection américaine : ils devraient renforcer les systèmes de cyber défense collectifs européens, et faire pression sur les Etats membres pour qu’ils développent leurs propres cyber-capacités. Sur le front politique, ils doivent signifier à Poutine que toute ingérence étrangère dans des élections nationales aura de graves conséquences négatives pour les intérêts économiques russes.
Au-delà de l'action gouvernementale, les organisations du secteur privé et de la société civile devraient intensifier leurs efforts pour vérifier si les reportages en ligne sont exacts, équilibrés et crédibles. Les organisations qui travaillent ensemble peuvent faire une différence. Par exemple, la Russie a terminé son édition en langue suédoise de Sputnik, parce que les organisations de médias suédoises n'utilisaient pas ses produits.
Mais, bien que Facebook ait indiqué qu'il améliorera le processus de vérification des contenus publiés sur ses pages, les mesures volontaires pourraient ne pas suffire: certains législateurs allemands ont suggéré qu’il pourrait être nécessaire de légiférer pour nettoyer les plates-formes de médias sociaux. La plus forte défense de l'Europe reste sa presse libre, complétée par les organisations non gouvernementales qui travaillent pour exposer les mensonges.
Les Européens ne doivent pas faire preuve de complaisance à l’égard de l'état actuel de leur presse libre. Après tout, Breitbart Nouvelles est déjà en Grande-Bretagne et prévoit de s’étendre à travers l'UE. Quelques jours après l'élection de Trump, le New York Times a rapporté que « Marion Maréchal-Le Pen, la nièce de Marine Le Pen et une force montante du Front national, a tweeté ‘je réponds oui à l'invitation de Stephen Bannon ... à travailler ensemble’. »
Les démocraties occidentales sont entrées dans une période de volatilité, et la Russie ne joue plus les règles du jeu qui ont prévalu même pendant les jours les plus sombres de la guerre froide. Poutine mène activement une guerre hybride contre l'Occident, guerre que nous commençons seulement à comprendre, sans parler de l’affronter. Il est temps de défendre nos valeurs. Cette année nous a rendus pleinement conscients de l'ampleur du défi que pose Poutine pour la démocratie occidentale. En 2017, nous devrons attaquer de front – et faire échouer – ses tactiques.
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Over time, as American democracy has increasingly fallen short of delivering on its core promises, the Democratic Party has contributed to the problem by catering to a narrow, privileged elite. To restore its own prospects and America’s signature form of governance, it must return to its working-class roots.
is not surprised that so many voters ignored warnings about the threat Donald Trump poses to US institutions.
Enrique Krauze
considers the responsibility of the state to guarantee freedom, heralds the demise of Mexico’s democracy, highlights flaws in higher-education systems, and more.
BRUXELLES – Le FBI et la CIA des Etats-Unis ont tous deux conclu que la Russie a mené une campagne de piratage et de désinformation visant à influencer l'élection présidentielle américaine en faveur de Donald Trump. Nous ne saurons probablement jamais le degré exact de succès de la cyber-opération russe, mais ce que nous savons est que le Kremlin a obtenu le résultat qu'il voulait. Le magazine Time a eu tort de nommer Trump personne de l'année. De toute évidence, ce fut l'année du président russe Vladimir Poutine.
L'attaque contre les Etats-Unis pourrait annoncer davantage d’ingérence dans les élections en Europe, où les fonctionnaires se sont lancés dans une course contre la montre destinée à contrer les cyber-opérations russes avant une série d'élections importantes en 2017, notamment aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. Les cyber-attaques qui ont eu lieu par le passé en Europe présentent une étrange ressemblance avec le présumé piratage russe du Democratic National Committee des États-Unis.
Au début 2015, un groupe ayant des liens avec le gouvernement russe a piraté le Bundestag allemand, a volé des dossiers confidentiels pour les donner à WikiLeaks, qui les a publiés. L’Office fédéral allemand pour la protection de la Constitution a accusé la Russie d'avoir orchestré des attaques similaires sur les systèmes informatiques du gouvernement allemand. Pendant ce temps, en novembre, la Commission européenne a également subi une cyber-attaque à grande échelle et, bien que le coupable reste inconnu, il existe très peu de personnes ou d'organisations capables d'effectuer une telle opération.
Les cyber-attaques ne sont qu'un élément dans une guerre hybride plus large que la Russie mène contre l'Occident. La Russie a également aidé les organisations nationalistes d'extrême droite et les mouvements populistes d’Europe, par exemple en accordant des prêts au Front National de Marine Le Pen en France et en accordant aux politiciens du UK Independence Party des espaces d’expression aux heures de grande écoute sur la chaîne de télévision financée par l'Etat russe Russia Today.
Le président américain Barack Obama a finalement promis de répondre à l'assaut de Poutine sur la démocratie américaine, mais il aurait dû faire plus – et agir beaucoup plus tôt. Les Européens seraient insensés de s’attendre à une aide de la nouvelle administration Trump. Le stratège en chef de Trump, Stephen Bannon – un ancien président exécutif du site américain de désinformation « alt-droite » Breitbart News – a ouvertement offert d'aider Le Pen à gagner l'élection présidentielle française au printemps prochain.
Les sources russes officielles admettent avoir dépensé 1,2 milliards d’euros (1,25 milliards de dollars) en campagnes sur des médias étrangers rien que cette année. Dans l'UE, des milliers de faux sites Web d’information sont apparus, dont beaucoup d'entre eux présentent une propriété douteuse: le nombre de sites de désinformation en Hongrie a doublé en 2014; et en République tchèque et en Slovaquie, quelques 42 nouveaux sites polluent aujourd’hui l'écosystème informatif de l'UE. Et, moins subrepticement, le Kremlin a dépensé des centaines de millions de dollars pour financer des outils de propagande – comme l’agence de « presse » Spoutnik – alors même que l'économie russe est en train d’imploser.
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Pour se défendre contre cette attaque, l'Occident devrait promouvoir la liberté des médias, récompenser leur responsabilité, et fournir des moyens juridiques de fermer les canaux de désinformation systémiques. Il est de bon augure que l'UE ait récemment modifié son budget pour 2017 afin de renforcer l'équipe StratCom du Service européen pour l'action extérieure, qui avait été gravement sous-financée, en dépit de sa mission critique de découverte et de démystification de la désinformation. Cependant, l'UE et l'OTAN devraient également tirer la leçon de l'élection américaine : ils devraient renforcer les systèmes de cyber défense collectifs européens, et faire pression sur les Etats membres pour qu’ils développent leurs propres cyber-capacités. Sur le front politique, ils doivent signifier à Poutine que toute ingérence étrangère dans des élections nationales aura de graves conséquences négatives pour les intérêts économiques russes.
Au-delà de l'action gouvernementale, les organisations du secteur privé et de la société civile devraient intensifier leurs efforts pour vérifier si les reportages en ligne sont exacts, équilibrés et crédibles. Les organisations qui travaillent ensemble peuvent faire une différence. Par exemple, la Russie a terminé son édition en langue suédoise de Sputnik, parce que les organisations de médias suédoises n'utilisaient pas ses produits.
Mais, bien que Facebook ait indiqué qu'il améliorera le processus de vérification des contenus publiés sur ses pages, les mesures volontaires pourraient ne pas suffire: certains législateurs allemands ont suggéré qu’il pourrait être nécessaire de légiférer pour nettoyer les plates-formes de médias sociaux. La plus forte défense de l'Europe reste sa presse libre, complétée par les organisations non gouvernementales qui travaillent pour exposer les mensonges.
Les Européens ne doivent pas faire preuve de complaisance à l’égard de l'état actuel de leur presse libre. Après tout, Breitbart Nouvelles est déjà en Grande-Bretagne et prévoit de s’étendre à travers l'UE. Quelques jours après l'élection de Trump, le New York Times a rapporté que « Marion Maréchal-Le Pen, la nièce de Marine Le Pen et une force montante du Front national, a tweeté ‘je réponds oui à l'invitation de Stephen Bannon ... à travailler ensemble’. »
Les démocraties occidentales sont entrées dans une période de volatilité, et la Russie ne joue plus les règles du jeu qui ont prévalu même pendant les jours les plus sombres de la guerre froide. Poutine mène activement une guerre hybride contre l'Occident, guerre que nous commençons seulement à comprendre, sans parler de l’affronter. Il est temps de défendre nos valeurs. Cette année nous a rendus pleinement conscients de l'ampleur du défi que pose Poutine pour la démocratie occidentale. En 2017, nous devrons attaquer de front – et faire échouer – ses tactiques.
Traduit de l’anglais par Timothée Demont