WASHINGTON – Beaucoup de gens se demandent probablement pourquoi Hillary Clinton – à l’évidence mieux préparée et plus apte à la présidence des États-Unis que son rival Donald Trump – ne vole pas à tire-d’aile vers la victoire. Et beaucoup d’Américains partagent cet étonnement.
Les sondages d’opinion nationaux pourraient continuer à fluctuer jusqu’à l’élection du 8 novembre. Mais Trump s’est rapproché de Clinton au cours des dernières semaines, menaçant même de la rattraper parmi les grands électeurs, alors que certains des États les plus peuplés sont acquis aux démocrates, ce qui confère à Clinton un avantage au sein du collège électoral. Pourquoi en est-il ainsi ?
Tout d’abord, Trump, qui ne sait pourtant rien, ou presque, de ce qui touche au gouvernement ou aux politiques publiques, est parvenu à souder la plupart des républicains derrière sa personne. Leur haine recuite à l’égard de Clinton peut fournir à ce ralliement une explication. Et la Cour suprême une autre : le prochain président devra y nommer un juge à un siège aujourd’hui vacant, mais d’autres sièges seront probablement à pourvoir dans les quatre ans à venir.
Trump joue aussi sur les inquiétudes de nombreux Américains concernant leur situation économique, faisant fond sur le même acharnement à l’encontre des immigrants et des élites que celui qui balaie aujourd’hui les pays d’Europe. Mais il ne peut gagner avec le seul soutien des hommes blancs non diplômés. Il a donc maladroitement tenté de laisser entendre qu’il se souciait également des Afro-Américains et des Latinos – non pas en s’adressant directement aux électeurs afro-américains ou latinos, mais en parlant d’eux devant des publics blancs à grand renfort de stéréotypes. Il n’est donc pas étonnant qu’ils considèrent ses commentaires comme déplacés et paternalistes. Les femmes blanches – son véritable cœur de cible – ne sont pas non plus convaincues.
Quant à Clinton, elle peine à reconstruire la coalition électorale de femmes, d’Afro-Américains, de Latinos et de moins de trente ans qui a permis les victoires du président Obama. De nombreux jeunes, après avoir soutenu avec enthousiasme le sénateur Bernie Sanders lors de la primaire démocrate, n’ont pas tenu compte de ses appels à se ranger aux côtés de l’ancienne secrétaire d’État, et disent qu’ils voteront pour le candidat d’un parti tiers, ce qui pourrait aider Trump.
Depuis les conventions des deux grands partis, en juillet, chaque candidat a successivement enregistré des gains et des pertes. Ce mois-ci, alors que Trump montait dans les sondages, il a tenté de se démarquer du mouvement raciste « nativiste » (birther), qui affirme à tort que le président Obama, premier président américain noir, n’est pas né aux États-Unis, et par conséquent n’était pas éligible à la présidence.
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La déclaration laconique de Trump, manifestement faite à contrecœur, a rappelé au souvenir de tout un chacun qu’il avait été lui-même l’un des birthers les plus bruyants. Cette tentative de limiter les dégâts s’est encore retournée contre lui lorsqu’il a affirmé, à tort, une fois de plus, que Clinton et sa campagne de 2008 étaient à l’origine de la rumeur nativiste. De nombreux médias ont fini par employer le mot « mensonge » dans leurs reportages sur Trump, dont les précédentes affabulations n’avaient pas, pour l’essentiel, été démenties.
La récente progression de Trump dans les sondages en dit moins long sur la crédibilisation de sa candidature que sur les propres faiblesses de Clinton et sur la malchance de la candidate démocrate. Hors sa base de fidèles passionnés, elle a toujours eu des difficultés à soulever l’enthousiasme de l’électorat. Elle apparaît à beaucoup comme un condensé de madame Je-sais-tout, comme la fille ultra-brillante qui rebutait les garçons à l’université. Et elle est confronté à un sexisme rampant, y compris parmi ses partisans. (Un ancien gouverneur démocrate a récemment déclaré qu’elle devrait sourire plus souvent. Se serait-il autorisé à propos d’un homme la même la même remarque ?)
Mais Clinton est elle-même à l’origine de certains de ses problèmes. Elle a manqué de jugement en utilisant un serveur privé pour ses courriels lorsqu’elle était secrétaire d’État, courant ainsi le risque de divulguer des informations censées demeurer secrètes. C’est devenu l’un des cauchemars de sa campagne. Elle n’a fait qu’aggraver le problème en assurant, contre la vérité, que ses prédécesseurs faisaient de même et que les responsables de la sécurité du département d’État lui avaient donné leur feu vert. Et à l’inverse de Trump, elle n’a pas, sur cette question, bénéficié d’une presse complaisante.
La saga des courriels a renforcé la vieille suspicion des électeurs à l’égard de Clinton – elle ne serait « ni honnête ni digne de confiance » – et l’a exposée aux attaques de ses adversaires de droite. La très conservatrice association de défense Judicial Watch n’a cessé de ramener la question dans le débat, contraignant Clinton à rendre publics les courriels qu’elle n’avait pas remis, après son départ, au département d’État. (Le FBI a retrouvé sur le serveur de Clinton quelque 15 000 courriels qu’elle avait conservés.) De nombreux messages n’ayant pas été rendus publics à ce jour et potentiellement préjudiciables à Clinton pourraient encore être divulgués avant les élections.
Si le directeur du FBI, James Comey, a décidé de ne pas recommander de poursuites contre Clinton dans cette affaire des courriels, il a néanmoins porté un coup à sa campagne en déclarant qu’elle s’était montrée « extrêmement négligente ». Quoi qu’il en soit, la décision de ne pas poursuivre a suscité les récriminations des commentateurs républicains et conservateurs, aux yeux desquels la candidate a bénéficié, de la part de l’administration démocrate, d’un traitement de faveur. À une enquête sur la question, 56% des personnes interrogées répondent que Clinton aurait dû être poursuivie.
En août, Clinton a été confrontée à un problème supplémentaire lorsque l’agence Associated Press a révélé que de nombreux donateurs de la fondation Clinton avaient bénéficié de certains égards lorsqu’elle était secrétaire d’État, en l’occurrence s’étaient généralement vu accorder un entretien. Ce qu’ils auraient de toute façon obtenu pour beaucoup d’entre eux. Aucune preuve de l’influence de ces entretiens sur la politique du département d’État n’a par ailleurs été avancée.
Pendant ce temps, le Washington Post a enquêté sur des dépenses douteuses – éventuellement illégales – réalisées par les œuvres charitables de Trump. Le milliardaire, qui n’a rien donné à sa propre fondation depuis 2008, n’en a pas moins utilisé l’argent de celle-ci, après cette date, pour acheter des effets personnels, dont un portrait de lui-même mesurant deux mètres de haut, et pour régler des sommes destinées à éteindre à l’amiable des procédures engagées contre lui. Il avait déjà été révélé que de l’argent provenant de la fondation Trump avait été utilisé pour contribuer aux campagnes électorales des procureurs généraux de Floride et du Texas, ce qui serait aussi illégal.
Enfin, Clinton a eu la malchance de tomber malade, et que la caméra d’un téléphone portable enregistre son départ précipité de la cérémonie de commémoration des attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York, dans une vidéo qui la montre au bord de l’évanouissement. La scène a donné du grain à moudre aux médias de droite qui spéculent sur son état de santé. Trump en a rajouté avec une accusation sexiste : Clinton n’a pas assez d’« endurance » pour être présidente.
Après avoir invoqué une grande fatigue, le camp Clinton a révélé que le médecin de la candidate avait, deux jours plus tôt, diagnostiqué une pneumonie. La presse, dans sa majorité, était furieuse que l’information n’ait pas circulé plus tôt. Mais les élections présidentielles américaines sont de durs marathons, et l’on peut comprendre que la candidate n’ait pas souhaité annuler des événements prévus à son agenda. Un sondage a montré par la suite que la plupart des électeurs l’acceptaient.
Les quatre jours de convalescence que Clinton a dû s’accorder ont coïncidé avec le moment où elle rodait les arguments censés convaincre les électeurs de voter pour elle et non pas seulement de ne pas voter pour Trump. Lorsqu’elle a repris sa campagne, des attentats à la bombe ont été commis à New York et dans le New Jersey, puis la police a par deux fois encore tiré sur des Afro-Américains désarmés, ce qui a donné lieu à des manifestations en Caroline du Nord, un État où le scrutin s’annonce serré. Ces événements se sont emparés du débat national, Trump jouant, comme il en a l’habitude, sur les divisions raciales et fustigeant Obama et Clinton.
Telle est la toile de fond des face-à-face télévisés qui opposeront les deux candidats. Ces débats jouent un rôle de plus en plus important (peut-être excessif) dans la configuration des élections américaines. Il serait imprudent de considérer que celles-ci sont déjà jouées.
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For America to address the glaring flaws in its constitutional order, it will need to move to a system where judicial decisions are made not by “Democratic judges” or “Republican judges,” but just by judges. No other liberal democracy allows for such a corrosively politicized appointment process.
sees the country’s politicized Supreme Court as the biggest obstacle to addressing many other problems.
Though antitrust enforcement has been gaining momentum on both sides of the Atlantic, a handful of private actors still wield extraordinary market power – and thus power over ordinary people’s lives. With some calling for more radical action, and others warning that reining in firms’ market power would be unhelpful and even harmful, we asked PS commentators what needs to be done.
WASHINGTON – Beaucoup de gens se demandent probablement pourquoi Hillary Clinton – à l’évidence mieux préparée et plus apte à la présidence des États-Unis que son rival Donald Trump – ne vole pas à tire-d’aile vers la victoire. Et beaucoup d’Américains partagent cet étonnement.
Les sondages d’opinion nationaux pourraient continuer à fluctuer jusqu’à l’élection du 8 novembre. Mais Trump s’est rapproché de Clinton au cours des dernières semaines, menaçant même de la rattraper parmi les grands électeurs, alors que certains des États les plus peuplés sont acquis aux démocrates, ce qui confère à Clinton un avantage au sein du collège électoral. Pourquoi en est-il ainsi ?
Tout d’abord, Trump, qui ne sait pourtant rien, ou presque, de ce qui touche au gouvernement ou aux politiques publiques, est parvenu à souder la plupart des républicains derrière sa personne. Leur haine recuite à l’égard de Clinton peut fournir à ce ralliement une explication. Et la Cour suprême une autre : le prochain président devra y nommer un juge à un siège aujourd’hui vacant, mais d’autres sièges seront probablement à pourvoir dans les quatre ans à venir.
Trump joue aussi sur les inquiétudes de nombreux Américains concernant leur situation économique, faisant fond sur le même acharnement à l’encontre des immigrants et des élites que celui qui balaie aujourd’hui les pays d’Europe. Mais il ne peut gagner avec le seul soutien des hommes blancs non diplômés. Il a donc maladroitement tenté de laisser entendre qu’il se souciait également des Afro-Américains et des Latinos – non pas en s’adressant directement aux électeurs afro-américains ou latinos, mais en parlant d’eux devant des publics blancs à grand renfort de stéréotypes. Il n’est donc pas étonnant qu’ils considèrent ses commentaires comme déplacés et paternalistes. Les femmes blanches – son véritable cœur de cible – ne sont pas non plus convaincues.
Quant à Clinton, elle peine à reconstruire la coalition électorale de femmes, d’Afro-Américains, de Latinos et de moins de trente ans qui a permis les victoires du président Obama. De nombreux jeunes, après avoir soutenu avec enthousiasme le sénateur Bernie Sanders lors de la primaire démocrate, n’ont pas tenu compte de ses appels à se ranger aux côtés de l’ancienne secrétaire d’État, et disent qu’ils voteront pour le candidat d’un parti tiers, ce qui pourrait aider Trump.
Depuis les conventions des deux grands partis, en juillet, chaque candidat a successivement enregistré des gains et des pertes. Ce mois-ci, alors que Trump montait dans les sondages, il a tenté de se démarquer du mouvement raciste « nativiste » (birther), qui affirme à tort que le président Obama, premier président américain noir, n’est pas né aux États-Unis, et par conséquent n’était pas éligible à la présidence.
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La récente progression de Trump dans les sondages en dit moins long sur la crédibilisation de sa candidature que sur les propres faiblesses de Clinton et sur la malchance de la candidate démocrate. Hors sa base de fidèles passionnés, elle a toujours eu des difficultés à soulever l’enthousiasme de l’électorat. Elle apparaît à beaucoup comme un condensé de madame Je-sais-tout, comme la fille ultra-brillante qui rebutait les garçons à l’université. Et elle est confronté à un sexisme rampant, y compris parmi ses partisans. (Un ancien gouverneur démocrate a récemment déclaré qu’elle devrait sourire plus souvent. Se serait-il autorisé à propos d’un homme la même la même remarque ?)
Mais Clinton est elle-même à l’origine de certains de ses problèmes. Elle a manqué de jugement en utilisant un serveur privé pour ses courriels lorsqu’elle était secrétaire d’État, courant ainsi le risque de divulguer des informations censées demeurer secrètes. C’est devenu l’un des cauchemars de sa campagne. Elle n’a fait qu’aggraver le problème en assurant, contre la vérité, que ses prédécesseurs faisaient de même et que les responsables de la sécurité du département d’État lui avaient donné leur feu vert. Et à l’inverse de Trump, elle n’a pas, sur cette question, bénéficié d’une presse complaisante.
La saga des courriels a renforcé la vieille suspicion des électeurs à l’égard de Clinton – elle ne serait « ni honnête ni digne de confiance » – et l’a exposée aux attaques de ses adversaires de droite. La très conservatrice association de défense Judicial Watch n’a cessé de ramener la question dans le débat, contraignant Clinton à rendre publics les courriels qu’elle n’avait pas remis, après son départ, au département d’État. (Le FBI a retrouvé sur le serveur de Clinton quelque 15 000 courriels qu’elle avait conservés.) De nombreux messages n’ayant pas été rendus publics à ce jour et potentiellement préjudiciables à Clinton pourraient encore être divulgués avant les élections.
Si le directeur du FBI, James Comey, a décidé de ne pas recommander de poursuites contre Clinton dans cette affaire des courriels, il a néanmoins porté un coup à sa campagne en déclarant qu’elle s’était montrée « extrêmement négligente ». Quoi qu’il en soit, la décision de ne pas poursuivre a suscité les récriminations des commentateurs républicains et conservateurs, aux yeux desquels la candidate a bénéficié, de la part de l’administration démocrate, d’un traitement de faveur. À une enquête sur la question, 56% des personnes interrogées répondent que Clinton aurait dû être poursuivie.
En août, Clinton a été confrontée à un problème supplémentaire lorsque l’agence Associated Press a révélé que de nombreux donateurs de la fondation Clinton avaient bénéficié de certains égards lorsqu’elle était secrétaire d’État, en l’occurrence s’étaient généralement vu accorder un entretien. Ce qu’ils auraient de toute façon obtenu pour beaucoup d’entre eux. Aucune preuve de l’influence de ces entretiens sur la politique du département d’État n’a par ailleurs été avancée.
Pendant ce temps, le Washington Post a enquêté sur des dépenses douteuses – éventuellement illégales – réalisées par les œuvres charitables de Trump. Le milliardaire, qui n’a rien donné à sa propre fondation depuis 2008, n’en a pas moins utilisé l’argent de celle-ci, après cette date, pour acheter des effets personnels, dont un portrait de lui-même mesurant deux mètres de haut, et pour régler des sommes destinées à éteindre à l’amiable des procédures engagées contre lui. Il avait déjà été révélé que de l’argent provenant de la fondation Trump avait été utilisé pour contribuer aux campagnes électorales des procureurs généraux de Floride et du Texas, ce qui serait aussi illégal.
Enfin, Clinton a eu la malchance de tomber malade, et que la caméra d’un téléphone portable enregistre son départ précipité de la cérémonie de commémoration des attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York, dans une vidéo qui la montre au bord de l’évanouissement. La scène a donné du grain à moudre aux médias de droite qui spéculent sur son état de santé. Trump en a rajouté avec une accusation sexiste : Clinton n’a pas assez d’« endurance » pour être présidente.
Après avoir invoqué une grande fatigue, le camp Clinton a révélé que le médecin de la candidate avait, deux jours plus tôt, diagnostiqué une pneumonie. La presse, dans sa majorité, était furieuse que l’information n’ait pas circulé plus tôt. Mais les élections présidentielles américaines sont de durs marathons, et l’on peut comprendre que la candidate n’ait pas souhaité annuler des événements prévus à son agenda. Un sondage a montré par la suite que la plupart des électeurs l’acceptaient.
Les quatre jours de convalescence que Clinton a dû s’accorder ont coïncidé avec le moment où elle rodait les arguments censés convaincre les électeurs de voter pour elle et non pas seulement de ne pas voter pour Trump. Lorsqu’elle a repris sa campagne, des attentats à la bombe ont été commis à New York et dans le New Jersey, puis la police a par deux fois encore tiré sur des Afro-Américains désarmés, ce qui a donné lieu à des manifestations en Caroline du Nord, un État où le scrutin s’annonce serré. Ces événements se sont emparés du débat national, Trump jouant, comme il en a l’habitude, sur les divisions raciales et fustigeant Obama et Clinton.
Telle est la toile de fond des face-à-face télévisés qui opposeront les deux candidats. Ces débats jouent un rôle de plus en plus important (peut-être excessif) dans la configuration des élections américaines. Il serait imprudent de considérer que celles-ci sont déjà jouées.
Traduction François Boisivon