WASHINGTON, DC – À l’heure où les concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère dépassent les 400 parties par million, les coûts de la crise climatique ne cessent d’augmenter – en termes de pertes économiques, d’impacts environnementaux, et de vies humaines. Le mois dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a mis en garde sur le risque de voir des températures mondiales approchant 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels engendrer de sérieuses conséquences pour l’humanité et la biodiversité. Toute évolution au-delà de ce niveau serait catastrophique.
Pour éviter de dépasser le seuil de 1,5°C, le monde doit diviser par près de deux ses émissions de CO2 d’ici 2030, et atteindre un niveau net de zéro émissions d’ici 2050. Cela ne sera possible que si nous éliminons entièrement les combustibles fossiles de l’économie au cours des quelques prochaines décennies. Toute démarche consistant à contourner cette réalité ne ferait qu’aggraver la situation.
Or, c’est précisément ce risque qui nous guette aujourd’hui. De plus en plus de personnes considèrent la stratégie autrefois impensable de la géo-ingénierie comme désormais la solution à la crise climatique. Si les approches proposées varient très largement, elles partagent certaines similitudes majeures : technologiquement incertaines, risquées sur le plan environnemental, ces approches sont plus susceptibles d’accélérer la crise climatique que de l’inverser.
Leurs partisans préconisent deux principales stratégies de géo-ingénierie : élimination du dioxyde de carbone (CDR) et gestion du rayonnement solaire (SRM). Ces deux approches – comme la plupart des autres stratégies de géo-ingénierie – impliquerait un déploiement généralisé des procédés dits de capture, utilisation et stockage du carbone (CCUS), dans le cadre desquels un ensemble de technologies recueillerait le CO2 issu des flux de déchets industriels, pour ensuite le stocker dans les sols, les océans ou certaines matières.
Cette démarche présenterait en elle-même de sérieux risques environnementaux et sociaux. Mais sur le plan économique également, la CCUS n’est viable que si le carbone capturé est pompé à l’intérieur d’anciens puits de pétrole pour libérer davantage de pétrole, dans des mines de charbon abandonnées pour produire du gaz naturel, ou dans des raffineries pour produire encore davantage de plastique. Cette approche bénéficierait uniquement à l’industrie fossile – et affecterait tous les autres protagonistes.
Les spécificités de chacune de ces stratégies ne font que renforcer les dangers de la géo-ingénierie. Prenons l’exemple de la CDR, qui vise à absorber le carbone dans l’atmosphère après émission. L’approche la plus largement évoquée – la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) – impliquerait de raser d’importantes zones de forêts intactes, de déplacer certaines cultures alimentaires, voire de combiner les deux, pour produire davantage de combustibles. Non seulement la sécurité alimentaire et les droits liés aux terres s’en trouveraient menacés, mais la disparition de forêts pourrait également provoquer la libération d’une quantité de carbone supérieure à la quantité absorbable par la BECCS.
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Une autre technologie majeure de CDR – la capture directe dans l’air (DAC) – consisterait à absorber le CO2dans l’air, en installant partout à travers le monde ce qui ressemblerait à des filtres à air géants. Pour financer ce procédé extrêmement énergivore, ses partisans proposent d’utiliser le CO2capturé pour produire du diesel et du kérosène, ce qui engendrerait un cycle sans fin de combustion et de réémission. Pour dire les choses simplement, la DAC est une sorte de moyen très coûteux de transformer de l’énergie renouvelable en carburant.
Autre stratégie majeure de géo-ingénierie, la SRM préfère masquer plutôt que réduire le CO2 atmosphérique. L’approche la plus évoquée implique la libération de dioxyde de souffre (SO2) dans la haute atmosphère, sensée produire un effet temporaire de refroidissement.
Or, la combustion de charbon, de pétrole et de gaz – qui produit elle aussi d’importants volumes de SO2 – engendre le même effet, tout en provoquant au passage pluies acides et fragilisation de la couche d’ozone. Les partisans de la SRM nous invitent ainsi de manière perverse à protéger la planète en produisant en plus grande quantité les polluants qui la détruisent d’ores et déjà.
Cette apparente dissonance cognitive s’explique simplement. Comme le démontre une récente analyse du Center for International Environmental Law, nombre de ceux qui promeuvent la géo-ingénierie travaillent pour, sont financés par, ou tirent profit des industries fossiles qui ont en premier lieu engendré la crise climatique.
Les industries du pétrole, du gaz, du charbon et des services publics travaillent depuis des décennies dans la recherche, les brevets et la promotion autour des technologies de géo-ingénierie – notamment la CCUS – avec pour objectif de sauvegarder le rôle prédominant des combustibles fossiles dans l’économie. Nos recherches révèlent ainsi que la géo-ingénierie aurait pour premiers effets de consolider ce rôle, de contribuer à l’augmentation des émissions de CO2, ainsi que d’assurer la pérennité des infrastructures fossiles pour les décennies voire les siècles à venir.
Dans la lutte contre la crise climatique, cette stratégie est clairement contreproductive. Mais peu importe pour les partisans de la géo-ingénierie, dont un grand nombre – parmi lesquels l’American Enterprise Institute, le représentant américain Lamar Smith, ou encore l’ancien secrétaire d’État américain (et PDG d’ExxonMobil) Rex Tillerson – nient le changement climatique et s’opposent aux politiques d’atténuation des émissions. Si le réchauffement climatique devient un jour un réel problème, considèrent-ils, nous pourront compter sur la géo-ingénierie pour y remédier.
Or, ce qui semble approprié pour les intérêts particuliers du secteur fossile s’avère déconnecté de la réalité. La vérité pure et simple nous impose de réduire très significativement nos émissions de CO2 en moins d’une décennie, et de les éliminer totalement en moins de trente ans. Le monde ne peut tout simplement se permettre de perdre plus de temps et de ressources en mythes et fantaisies autour de la géo-ingénierie.
Nous disposons des outils nécessaires pour remédier à la crise climatique. Promotion des énergies renouvelables et de l’efficience énergétique, protection et restauration des écosystèmes naturels forestiers et océaniques, ainsi que respect du droit des populations locales d’agir au contrôle de leurs terres traditionnelles, sont autant de solutions applicables et viables en termes de coûts, qu’il convient de déployer et de développer dès aujourd’hui. Il ne manque plus que la volonté politique nécessaire à la mise en œuvre de ces solutions – et celle du refus de stratégies trompeuses, élaborées par ceux qui devraient remédier au problème plutôt que de rêver à de nouveaux moyens d’en tirer profit.
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As US President-elect Donald Trump prepares to make good on his threats to upend American institutions, the pressure is on his opponents to figure out how to defend, and eventually strengthen, US democracy. But first they must understand how the United States reached this point.
Following South Korean President Yoon Suk-yeol’s groundless declaration of martial law, legislators are pursuing his impeachment. If they succeed, they will have offered a valuable example of how democracies should deal with those who abuse the powers of their office.
thinks the effort to remove a lawless president can serve as an important signal to the rest of the world.
WASHINGTON, DC – À l’heure où les concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère dépassent les 400 parties par million, les coûts de la crise climatique ne cessent d’augmenter – en termes de pertes économiques, d’impacts environnementaux, et de vies humaines. Le mois dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a mis en garde sur le risque de voir des températures mondiales approchant 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels engendrer de sérieuses conséquences pour l’humanité et la biodiversité. Toute évolution au-delà de ce niveau serait catastrophique.
Pour éviter de dépasser le seuil de 1,5°C, le monde doit diviser par près de deux ses émissions de CO2 d’ici 2030, et atteindre un niveau net de zéro émissions d’ici 2050. Cela ne sera possible que si nous éliminons entièrement les combustibles fossiles de l’économie au cours des quelques prochaines décennies. Toute démarche consistant à contourner cette réalité ne ferait qu’aggraver la situation.
Or, c’est précisément ce risque qui nous guette aujourd’hui. De plus en plus de personnes considèrent la stratégie autrefois impensable de la géo-ingénierie comme désormais la solution à la crise climatique. Si les approches proposées varient très largement, elles partagent certaines similitudes majeures : technologiquement incertaines, risquées sur le plan environnemental, ces approches sont plus susceptibles d’accélérer la crise climatique que de l’inverser.
Leurs partisans préconisent deux principales stratégies de géo-ingénierie : élimination du dioxyde de carbone (CDR) et gestion du rayonnement solaire (SRM). Ces deux approches – comme la plupart des autres stratégies de géo-ingénierie – impliquerait un déploiement généralisé des procédés dits de capture, utilisation et stockage du carbone (CCUS), dans le cadre desquels un ensemble de technologies recueillerait le CO2 issu des flux de déchets industriels, pour ensuite le stocker dans les sols, les océans ou certaines matières.
Cette démarche présenterait en elle-même de sérieux risques environnementaux et sociaux. Mais sur le plan économique également, la CCUS n’est viable que si le carbone capturé est pompé à l’intérieur d’anciens puits de pétrole pour libérer davantage de pétrole, dans des mines de charbon abandonnées pour produire du gaz naturel, ou dans des raffineries pour produire encore davantage de plastique. Cette approche bénéficierait uniquement à l’industrie fossile – et affecterait tous les autres protagonistes.
Les spécificités de chacune de ces stratégies ne font que renforcer les dangers de la géo-ingénierie. Prenons l’exemple de la CDR, qui vise à absorber le carbone dans l’atmosphère après émission. L’approche la plus largement évoquée – la bioénergie avec capture et stockage du carbone (BECCS) – impliquerait de raser d’importantes zones de forêts intactes, de déplacer certaines cultures alimentaires, voire de combiner les deux, pour produire davantage de combustibles. Non seulement la sécurité alimentaire et les droits liés aux terres s’en trouveraient menacés, mais la disparition de forêts pourrait également provoquer la libération d’une quantité de carbone supérieure à la quantité absorbable par la BECCS.
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Autre stratégie majeure de géo-ingénierie, la SRM préfère masquer plutôt que réduire le CO2 atmosphérique. L’approche la plus évoquée implique la libération de dioxyde de souffre (SO2) dans la haute atmosphère, sensée produire un effet temporaire de refroidissement.
Or, la combustion de charbon, de pétrole et de gaz – qui produit elle aussi d’importants volumes de SO2 – engendre le même effet, tout en provoquant au passage pluies acides et fragilisation de la couche d’ozone. Les partisans de la SRM nous invitent ainsi de manière perverse à protéger la planète en produisant en plus grande quantité les polluants qui la détruisent d’ores et déjà.
Cette apparente dissonance cognitive s’explique simplement. Comme le démontre une récente analyse du Center for International Environmental Law, nombre de ceux qui promeuvent la géo-ingénierie travaillent pour, sont financés par, ou tirent profit des industries fossiles qui ont en premier lieu engendré la crise climatique.
Les industries du pétrole, du gaz, du charbon et des services publics travaillent depuis des décennies dans la recherche, les brevets et la promotion autour des technologies de géo-ingénierie – notamment la CCUS – avec pour objectif de sauvegarder le rôle prédominant des combustibles fossiles dans l’économie. Nos recherches révèlent ainsi que la géo-ingénierie aurait pour premiers effets de consolider ce rôle, de contribuer à l’augmentation des émissions de CO2, ainsi que d’assurer la pérennité des infrastructures fossiles pour les décennies voire les siècles à venir.
Dans la lutte contre la crise climatique, cette stratégie est clairement contreproductive. Mais peu importe pour les partisans de la géo-ingénierie, dont un grand nombre – parmi lesquels l’American Enterprise Institute, le représentant américain Lamar Smith, ou encore l’ancien secrétaire d’État américain (et PDG d’ExxonMobil) Rex Tillerson – nient le changement climatique et s’opposent aux politiques d’atténuation des émissions. Si le réchauffement climatique devient un jour un réel problème, considèrent-ils, nous pourront compter sur la géo-ingénierie pour y remédier.
Or, ce qui semble approprié pour les intérêts particuliers du secteur fossile s’avère déconnecté de la réalité. La vérité pure et simple nous impose de réduire très significativement nos émissions de CO2 en moins d’une décennie, et de les éliminer totalement en moins de trente ans. Le monde ne peut tout simplement se permettre de perdre plus de temps et de ressources en mythes et fantaisies autour de la géo-ingénierie.
Nous disposons des outils nécessaires pour remédier à la crise climatique. Promotion des énergies renouvelables et de l’efficience énergétique, protection et restauration des écosystèmes naturels forestiers et océaniques, ainsi que respect du droit des populations locales d’agir au contrôle de leurs terres traditionnelles, sont autant de solutions applicables et viables en termes de coûts, qu’il convient de déployer et de développer dès aujourd’hui. Il ne manque plus que la volonté politique nécessaire à la mise en œuvre de ces solutions – et celle du refus de stratégies trompeuses, élaborées par ceux qui devraient remédier au problème plutôt que de rêver à de nouveaux moyens d’en tirer profit.
Traduit de l’anglais par Martin Morel