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Le protectionnisme a allumé le feu géopolitique

NEW HAVEN (CONN.) – Il est déconcertant de voir comment nombre d’économistes de premier plan ont décrié les barrières douanières mises en place par l’administration Trump – un protectionnisme qui portait atteinte à la prospérité – puis ont approuvé les initiatives plus drastiques encore de l’administration Biden visant à relocaliser, à rapatrier dans des pays amis ou à découpler les productions américaines des productions chinoises. En mars 2018, dans un sondage de l’université Chicago Booth réalisé auprès des économistes, la totalité des personnes interrogées déclaraient être opposées aux nouvelles barrières douanières des États-Unis ; puis, en janvier 2022, une majorité de sondés, chevauchant largement l’échantillon précédent, affirmait douter de l’efficacité des chaînes d’approvisionnement mondiales. Seules deux personnes interrogées (dont je fais partie) ne partageaient pas l’analyse selon laquelle leur dépendance aux fournitures venues de l’étranger aurait rendu les industries des États-Unis vulnérables aux perturbations des marchés.

Dans ce tableau, Dani Rodrik, qui affirme dans une récente tribune que les conséquences de la géopolitique actuelle sont bien plus graves qu’un regain de protectionnisme, fait figure d’exception. L’argument est à considérer. Souvenons-nous néanmoins que le protectionnisme a été l’un des premiers catalyseurs de l’escalade des tensions géopolitiques que nous connaissons aujourd’hui.

Les barrières douanières de Trump ont inversé une tendance de long terme à la libéralisation des échanges et imposé à l’économie des États-Unis des coûts réels, puisqu’elles ont augmenté les prix pour les consommateurs et les entreprises des États-Unis qui utilisent des biens intermédiaires importés de Chine. Mais les mesures prises par Trump ont eu peu de conséquences globales sur le commerce mondial. Si, comme on pouvait le prévoir, les échanges entre les États-Unis et la Chine ont diminué, les exportations de nombreux autre pays – à la fois vers les États-Unis et vers le reste du monde – ont augmenté. Les flux commerciaux se sont réalloués, ils n’ont pas été réduits.

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