wei55_FREDERIC J. BROWNAFP via Getty Images_renminbi Frederic J. Brown/AFP via Getty Images

Le renminbi à l'épreuve de la réalité

NEW YORK – Après des années de spéculations et de faux départs, il semble que l’internationalisation du renminbi soit désormais en cours. Le 29 mars, la Chine et le Brésil ont annoncé leur projet de commercer en utilisant leur propre devise, plutôt que le dollar des États-Unis. La veille, la China National Offshore Oil Corporation et le français TotalEnergies concluaient leur premier contrat sur des livraisons de gaz naturel liquéfié libellé en renminbi. Le président russe Vladimir Poutine a récemment affirmé vouloir utiliser la devise chinoise non seulement dans ses échanges avec la Chine, mais comme moyen de paiement dans le commerce avec d’autres pays d’Asie, ainsi qu’avec l’Afrique et l’Amérique latine. Et l’Arabie saoudite négocie depuis l’année dernière avec la Chine des paiements en renminbis d’une part de ses exportations pétrolières.

On sait que la Chine aimerait faire du renminbi une devise internationale et s’écarter ainsi de la domination mondiale du dollar. Si l’on interprète souvent ce souhait à l’aune de considérations géopolitiques, en l’occurrence comme un moyen de préserver la Chine de possibles sanctions économiques décidées par les États-Unis, la transformation du renminbi en l’une des principales devises de règlement dans le monde profiterait grandement à l’économie chinoise. Elle permettrait par ailleurs de mettre le pays à l’abri en cas de crise des taux de change, raison pour laquelle d’autres États, dont l’Inde et les pays de l’ASEAN, tentent eux aussi d’internationaliser leur monnaie.

Le graphique ci-dessous, qui s’appuie sur une recherche en cours menée par mes co-auteurs et moi-même, illustre les progrès réalisés par la Chine dans ses efforts d’internationalisation du renminbi. La ligne rouge indique les exportations des entreprises de Corée du Sud libellées en renminbis en proportion du total des exportations sud-coréennes vers la Chine entre 2006 et 2020 ; on voit que la part de la monnaie chinoise est passée de 0 % avant 2008 à presque 6 % en 2020. En octobre 2016, le renminbi a rejoint le dollar, l’euro, le yen et la livre britannique dans le club très fermé des grandes devises qui constituent le panier sur lequel repose le droit de tirage spécial, l’actif de réserve du Fonds monétaire international.  

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