La stratégie chinoise dans le jeu afghan

MADRID – Dans son ultime ouvrage intitulé De la Chine, Henry Kissinger se réfère à ces jeux intellectuels traditionnels de la Chine et de l’Occident que sont respectivement le weiqi et les échecs pour révéler la disparité des attitudes à l’égard de la politique et du pouvoir au niveau international. Les échecs ont pour vocation la victoire totale, à l’issue d’une bataille clausewitzienne pour le « centre de gravité » et l’élimination finale de l’ennemi, tandis que le weiqi consiste en la quête d’un avantage relatif, au travers d’une stratégie d’encerclement ayant vocation à éviter le conflit direct.

Ce contraste culturel nous éclaire avec pertinence sur la manière dont la Chine gère la compétition actuelle qui se joue entre elle et l’Occident. La politique chinoise à l’égard de l’Afghanistan en est une parfaite illustration, de même qu’elle défie formidablement la voie du weiqi. Alors que les États-Unis se préparent à retirer leurs troupes du pays, la Chine doit faire face à l’incertitude du scénario d’après-guerre.

L’Afghanistan revêt un intérêt stratégique vital pour la Chine, bien qu’il ne soit jamais venu à l’esprit des gouvernants de celle-ci de défendre ces intérêts par les armes. Zone de sécurité vitale pour l’ouest de la Chine, l’Afghanistan constitue également un important couloir au travers duquel la Chine est en mesure de sécuriser ses intérêts au Pakistan (l’un de ses alliés traditionnels dans le cadre de la concurrence entre la Chine et l’Inde), et qui lui assure l’accès à un certain nombre de ressources naturelles vitales de la région. De plus, la région chinoise déjà agitée de la province du Xinjiang, à majorité musulmane et bordant l’Afghanistan, pourrait se retrouver dangereusement affectée par une prise de pouvoir des talibans, ou par un démembrement du pays.

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