stiglitz321_ROBYN BECKAFP via Getty Images_USinequality Robyn Beck/AFP via Getty Images

Des inégalités et de la démocratie

NEW YORK – On a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années sur le reflux de la démocratie et la montée de l’autoritarisme – et pour de bonnes raisons. Du Premier ministre hongrois Viktor Orbán aux anciens présidents du Brésil et des États-Unis Jair Bolsonaro et Donald Trump, la liste s’allonge des dirigeants autoritaires ou des apprentis autocrates qui œuvrent ou ont œuvré à une curieuse forme de populisme de droite. Alors qu’ils promettent de protéger le citoyen ordinaire et de préserver les vieilles valeurs nationales, ils mènent des politiques qui protègent les puissants et piétinent les normes établies – tandis que nous autres tentons d’expliquer l’attrait qu’ils exercent sur les foules.

Les explications sont nombreuses, mais il en est une qui, d’évidence, se détache : la hausse des inégalités, un problème hérité du moderne capitalisme néolibéral, qui peut aussi être corrélé, à plus d’un titre, au déclin de la démocratie. Les inégalités économiques mènent inévitablement aux inégalités politiques, quoiqu’à différents degrés selon les pays. Dans un pays comme les États-Unis, où les contributions aux campagnes électorales sont à peu près sans limites, les scrutins n’obéissent plus au credo « une personne, une voix », mais à la formule « un dollar, une voix ».

Et les inégalités politiques se renforcent, conduisant à des politiques qui ne font qu’entériner les inégalités économiques. Les politiques fiscales favorisent les riches, le système éducatif favorise ceux qui sont déjà privilégiés, tandis qu’une réglementation anti-monopoles mal conçue et mal appliquée tend à donner toute latitude aux entreprises pour accumuler et exploiter de la puissance de marché. En outre, depuis que des sociétés privées détenues par des ploutocrates comme Rupert Murdoch dominent les médias, une bonne part du discours « mainstream » pousse à la roue. Ainsi raconte-t-on depuis longtemps aux nouveaux consommateurs qu’imposer les riches entravera la croissance économique ou que l’impôt sur les successions est un impôt sur les morts. Et ainsi de suite.

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