Former Guatemalan President Alvaro Colom is arrested under corruption charges JOHAN ORDONEZ/AFP/Getty Images

Justice politique en Amérique latine

PARIS –En avril, l'ancien président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva s'est rendu à la police pour commencer à purger une peine de prison de 12 ans pour corruption passive et blanchiment d'argent. Ce n'était que la dernière en date d'une série d'arrestations et de poursuites de dirigeants politiques et économiques latino-américains - une tendance qui a commencé il y a quatre ans, avec l'éclatement du scandale de corruption du groupe brésilien Odebrecht. Mais si une répression de la corruption est absolument nécessaire, l'approche de plus en plus politisée de ces procédés place toute la région sur une pente glissante.

Avec des gouvernements et des législatures latino-américaines confrontées à une profonde crise de crédibilité, le pouvoir judiciaire est devenu un acteur majeur dans certains pays. Au Brésil, par exemple, des personnalités impliquées dans l'Opération Lava Jato (une enquête en cours sur la corruption à grande échelle dans la compagnie pétrolière publique Petrobras) - telles que Deltan Dallagnol, le procureur, et Sergio Moro, le juge en charge de l'enquête - sont devenus de véritables acteurs politiques. Leur influence dépasse désormais de loin leur rôle d'avocats, de magistrats ou de juges de première instance.

Le vrai problème, cependant, est que des responsables comme Moro ont transformé l'action judiciaire contre la corruption en une croisade morale et politique, pour laquelle ils sont prêts à bafouer la loi. Des magistrats de la Cour suprême affirment que, pour emprisonner Lula avant la campagne présidentielle de 2018, Moro a désobéi aux règles de la procédure pénale et manipulé les mécanismes de la détention préventive. Moro lui-même admet dans son verdict qu'il condamne Lula sans aucune preuve directe d'un acte illicite.

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