Les risques d’une approche européenne centralisée

FRANCFORT – Pour de nombreux dirigeants européens, la crise de la zone euro ne fait que renforcer la nécessité de « plus d’Europe, » l’objectif final étant d’établir une union politique à part entière. Compte tenu de l’histoire du continent, marquée par les guerres et les divisions idéologiques, et au vu des défis actuels que soulève la mondialisation, l’espoir d’une Europe en paix, prospère et unie, dont l’influence rayonnerait au-delà de ses frontières, constitue bien évidemment une perspective attrayante. Pour autant, un certain nombre de désaccords majeurs demeurent quant à la manière d’atteindre cet objectif.

D’un point de vue historique, l’union monétaire a toujours été considérée comme le chemin vers l’union politique. Dans les années 1950, l’économiste français Jacques Rueff, proche conseiller de Charles de Gaulles, avait eu cette célèbre formule : « L’Europe se fera par la monnaie, ou ne se fera pas. » Richard von Weizsäcker, président honorifique de la République fédérale d’Allemagne, fit écho à cette conception environ un demi-siècle plus tard en déclarant que la monnaie unique constituerait pour les Européens la seule et unique manière d’aboutir à une politique étrangère commune. « Si l’euro échoue, l’Europe échoue, » a enfin plus récemment déclaré la chancelière allemande Angela Merkel.

Mais la crise qui frappe l’ « Europe » n’est pas tant liée à l’union politique qu’à l’Union économique et monétaire européenne. Au contraire, les efforts destinés à préserver l’UEM pourraient bien nous avoir éloignés de l’objectif de politique étrangère commune, en ravivant au sein des États membres (qu’il s’agisse de pays qui reçoivent, ou d’États qui fournissent l’aide financière) un certain nombre de rancœurs nationalistes dont on espérait qu’elles s’étaient éteintes il y a bien longtemps.

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