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Quand les investisseurs subvertissent les États

NEW DELHI – Imaginez le scénario suivant : une société privée crée et contrôle sa propre juridiction au sein d’un État souverain. Cette entreprise établit sa propre monnaie, promulgue des lois, et met en place des tribunaux, prisons, forces de police, et même des services de renseignement. Elle élabore ses propres réglementations (ou décide de ne pas en appliquer) en matière fiscale ainsi que dans les domaines du travail et de l’environnement, sans égard pour leur compatibilité avec les lois nationales.

Imaginez maintenant que cette entreprise adopte le Bitcoin comme monnaie officielle, et qu’elle annonce un certain nombre de plans de privatisation des services publics. Elle remplace le système judiciaire existant par un « centre d’arbitrage », et va jusqu’à mettre en place un système de citoyenneté payante nécessitant la signature d’un « contrat social » conçu pour encourager les bons comportements. Finalement, le gouvernement démocratiquement élu du pays intervient pour mettre fin à ces absurdités, et affirme que les lois nationales s’appliquent également à cette juridiction. Or, plutôt que de se conformer à cette volonté, l’entreprise attaque en justice le gouvernement en lui réclamant plusieurs milliards de dollars, invoquant ses prévisions de pertes financières.

Semblant tout droit sorti d’un roman dystopique, ce scénario correspond précisément à la situation actuelle au Honduras. Le gouvernement hondurien est actuellement confronté à sept procédures de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE), initiées par plusieurs entreprises privées. Une société américaine basée dans le Delaware, Honduras Próspera, poursuit le pays pour un montant ahurissant de 10,7 milliards $, soit deux tiers du budget de l’État estimé pour 2023.

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