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Nos élus, ces délinquants

CHICAGO – Imaginez que vous êtes un membre élu de la Chambre des représentants du Congrès américain, en plein débat sur la réforme du système de santé, adoptée en 2010. Lors d’une réunion d’un comité de la Chambre des représentants, vous apprenez avant quiconque qu’une option d’assurance publique – qui serait en concurrence avec les assurances privées – ne sera pas retenue dans le projet de réforme. Cette information aura bien sûr une influence considérable sur la valeur des actions des prestataires de services de santé privés. Pouvez-vous vendre ou acheter des actions de ces entreprises avant que la nouvelle loi soit rendue publique ?

Il est difficile, au plan éthique, de distinguer cet exemple des cas habituels de délits d’initié. Et pourtant, aucune loi n’interdit ces pratiques. Le Congrès américain – la branche législative du gouvernement – est exempté des lois qui régissent normalement les délits d’initié. Le Congrès et la Cour suprême américaine sont les seuls deux organismes fédéraux dont les employés peuvent, sans restrictions, vendre ou acheter des actions sur la base d’informations non accessibles au grand public. Tous les autres fonctionnaires fédéraux se placeraient en position d’illégalité en se livrant à ce genre d’opérations.

Les membres du Congrès ne se content pas de pouvoir profiter légalement d’informations privilégiées – ils ne s’en privent pas, malgré le risque éventuel pour leur réputation. Le programme de télévision américain 60 Minutes a récemment dévoilé que plusieurs membres actuels du Congrès auraient utilisé des informations privilégiées liées à leur fonction pour des gains personnels. Bien que le lien entre informations privilégiées et opérations boursières soit difficile à établir (comme dans la plupart des délits d’initié), le moment où ces opérations sont intervenues était extrêmement suspect.

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