La crise des sciences humaines

NEW YORK – Un parallèle frappant se dessine aujourd’hui sur fond de débat sur l’avenir de l’enseignement supérieur autour du monde. D’un côté, certains craignent de plus en plus que les États-Unis et de nombreux pays européens échouent à préparer suffisamment de jeunes diplômés aux domaines sous-tendant l’« économie de la connaissance » du XXIe siècle, tels que l’ingénierie et les technologies de l’information, cette inquiétude aboutissant à une restriction du concept d’éducation académique à la simple acquisition de compétences pratiques.

Dans certaines régions d’Asie, certains redoutent d’un autre côté de voir les nouveaux arrivants sur le marché du travail bénéficier certes d’une solide formation technique, mais en même temps présenter un manque d’expérience et de capacité à raisonner « en dehors des sentiers battus. » Cette préoccupation se manifeste à travers un effort naissant d’ouverture de la démarche éducative jusqu’à désormais faire intervenir la culture du sentiment et de l’imagination.

Ces deux évolutions trouvent leur source dans des considérations économiques. Aux États-Unis, où la plupart des étudiants de premier cycle prennent au moins en charge une partie du coût de leur instruction universitaire, la pression politique s’accentue en faveur de dispositifs incitatifs tels que remises sur les frais de scolarité ou exonérations des prêts en faveur des étudiants en sciences, technologie, ingénierie ou mathématiques (matières composant la catégorie des STIM). Un certain nombre de mesures en direction de la réduction de ces frais, consistant par exemple à condenser certains programmes universitaires habituellement dispensés sur quatre années en seulement désormais trois ans – à travers l’amputation ou la suppression de cours électifs portant sur des matières « théoriques » de type littérature, philosophie ou encore arts plastiques – font également l’objet de discussions.

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