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Il existe une solution pour stabiliser l'�conomie�!

par Robert J. Shiller

NEW-HAVEN � La s�v�rit� de la crise financi�re mondiale � laquelle nous assistons depuis deux ans est due � l'instabilit� fondamentale du syst�me bancaire, une instabilit� � laquelle nous pouvons et devons rem�dier. Pour cela, il faut am�liorer notre technologie financi�re.

Lors des grosses crises financi�res, � cause de la baisse de la valeur sur le march� de beaucoup de leurs actifs, les banques se trouvent en manque de capitaux. Mais en raison de la crise, elles ne peuvent gu�re plus lever de capitaux. Pour �viter la disparition de leur capital restant, elles ne font plus de nouveaux pr�ts et arr�tent ceux qui sont en cours, ce qui peut faire plonger l'�conomie d'un pays � voire m�me de toute la plan�te.

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Ce probl�me est essentiellement de nature technique - et il en est de m�me de ses solutions. C'est un probl�me de tuyauterie du syst�me bancaire, mais pour r�parer la plomberie, il faut changer la structure du syst�me bancaire lui-m�me.

De nombreux experts financiers, notamment Alon Raviv, Mark Flannery, Anil Kashyap, Raghuram Rajan, Jeremy Stein, Ricardo Caballero, Pablo Kurlat, Dennis Snowe et le groupe de travail Squam Lake Working Group, ont fait des propositions faisant intervenir des emprunts conditionnels ( contingent capital ).

La proposition du Squam Lake Working Group - qui doit son nom au lac si pittoresque du New Hampshire au bord duquel un groupe de professeurs de finance s'est rencontr� la premi�re fois pour trouver des id�es sur la mani�re de r�agir � la crise actuelle � est particuli�rement int�ressante. Ce groupe de travail est l'exemple-type de l'application cr�ative d'une th�orie financi�re pour r�soudre la crise (j'en suis membre, mais je ne suis pas � l'origine de l'id�e de l'emprunt conditionnel).

Le groupe appelle sa version d'emprunt conditionnel "titre hybride r�gulatoire" ( regulatory hybrid securities ). L'id�e est simple�: pousser les banques � �mettre une nouvelle forme d'emprunt qui se convertit automatiquement en capital propre si le r�gulateur estime qu'il y a une crise financi�re syst�mique au niveau national et qu'en m�me temps la banque ne respecte pas les dispositions pr�vues en mati�re de solvabilit� dans le contrat li� � ces titres hybrides.

En temps normal ces titres auraient tous les avantages d'une cr�ance. Mais en cas de difficult� - quand il faudrait que les banques continuent � pouvoir faire cr�dit - leurs fonds propres augmenterait automatiquement du fait de la conversion de ces titres en capital propre. Ils sont donc con�us pour traiter la source m�me de l'instabilit� syst�mique que la crise actuelle a mise en �vidence.

Cette proposition attribue un r�le sp�cifique � l'Etat qui devra encourager l'�mission de ces titres hybrides, car sans cela les banques ne le feront pas. Ces titres augmenteraient le co�t du capital pour les banques (parce que les cr�anciers devraient recevoir un d�dommagement pour la conversion), alors que les banques pr�f�reraient compter sur leur statut d'institution "trop grosse pour faire faillite" et sur de futurs plans de sauvetage de la part de l�Etat . Il faudra donc appliquer une p�nalit� ou attribuer une subvention pour les inciter � �mettre ces titres.

La th�orie du surendettement ou du fardeau virtuel de la dette ( debt overhang ) - l'id�e � l'origine de la proposition - explique pourquoi les banques en difficult� sont r�ticentes � �mettre de nouveaux capitaux propres�: les b�n�fices vont essentiellement aux d�tenteurs d'obligations de la banque, ce qui tend � d�savantager les actionnaires existants. Mais cette proposition ne vient pas directement de la th�orie financi�re moderne�; c'est une v�ritable innovation, sans aucun pr�c�dent.

Pourquoi n'y a-t-on pas pens� lors des crises bancaires pr�c�dentes, alors que le probl�me de surendettement se posait avec autant d'acuit� (lors des crises bancaires de la Grande d�pression par exemple) ?

Cela tient en partie � ce que le probl�me n'�tait pas encore bien compris � cette �poque et que de ce fait l'emprunt conditionnel ne pouvait pas �tre articul� convenablement�; aussi il manquait d'arguments suffisamment persuasifs pour que les d�cideurs politiques l'adoptent. D'autre part il y a un �l�ment fondamentalement cr�atif dans l'innovation : elle r�sulte d'un processus intellectuel qui prend du temps, ce qui r�trospectivement para�t toujours inexplicablement lent ou trop intermittent.

Le Conseil de stabilit� financi�re (FSB) pr�sid� par Mario Draghi a d�clar� publiquement dans son rapport de septembre 2009 au G20 qu'il �tudie la proposition d'emprunt conditionnel . Le FSB a �t� cr�e en avril 2009 lors du sommet du G20 � Londres pour succ�der au Forum de stabilit� financi�re. Il est constitu� des banques centrales du G20 et des principaux organes de r�glementation. Les pays du G20 sont tenus par leur signature d'appliquer les conclusions du FSB � l'�chelle plan�taire. Aussi, est-il dans une position unique qui lui permet d'ouvrir la voie � l'innovation.

Dans ses r�cents rapports, le FSB se concentre sur les exigences en capitaux, sur la mani�re de combler les failles juridiques qui permettent aux banques de s'y soustraire et sur l'am�lioration des normes comptables. Il a d�j� pr�sent� plusieurs propositions qui permettraient de rendre le syst�me financier plus s�r.

La proposition d'emprunt conditionnel, un instrument issu de l'ing�nierie financi�re, est une id�e neuve d'importance majeure pour r�soudre l'instabilit� bancaire ; elle permet de stabiliser l'�conomie au m�me titre que l'ing�nierie m�canique permet de stabiliser la trajectoire des voitures ou des avions. Si elle est adopt�e, la crise bancaire mondiale que nous traversons pourrait �tre la derni�re � au moins jusqu'� ce que n'�merge une nouvelle source d'instabilit� qui renverrait les techniciens de la finance � la recherche d'une nouvelle solution.

Robert J. Shiller enseigne l'�conomie � l'universit� de Yale aux USA et il est �conomiste en chef de MacroMarkets LLC. Il a �crit en collaboration avec George Akerlof un livre intitul� Animal Spirits: How Human Psychology Drives the Economy and Why It Matters for Global Capitalism [Les esprits animaux - Comment les forces psychologiques m�nent la finance et l'�conomie].

https://prosyn.org/FFU1oxufr