verhofstadt7_Christopher Furlong_Getty Images_EU flags Christopher Furlong/ Getty Images

Davantage d'Europe, pour battre les nationalistes de l'Europe

BRUXELLES – Le choix des électeurs britanniques de quitter l'Union européenne est malheureux, mais n'est pas surprenant. Pendant des décennies, les hommes politiques britanniques ont évité de plaider en faveur d'une adhésion à l'UE, voire même d'expliquer au peuple britannique le fonctionnement de  l'Union et sa nécessité.

Tout au long de son mandat de Premier ministre, David Cameron n'a montré aucun leadership ni aucune volonté de s'engager de façon significative auprès de l'UE. Il a toujours affiché une volonté de sortie à maintes reprises, en s'insurgeant contre les bureaucrates anonymes de Bruxelles. Malheureusement sa tentative de dernière minute en vue de défendre l'adhésion à l'UE lors de la campagne du Brexit n'a pas suffi à annuler les effets de décennies de mensonges sur l'opinion publique britannique.

La Grande-Bretagne a choisi l'isolement en Europe, contre l'avis de ses amis et de ses alliés. Maintenant que son déclin post-impérial est achevé, la leçon la plus importante à tirer du référendum du « Brexit » qui a scellé son sort, est que l'on ne peut pas vaincre le nationalisme en cédant aux caprices des nationalistes. Si l'UE veut lutter contre les souches du nationalisme qui minent sa raison d'être, il lui faudra écouter les inquiétudes de ses citoyens et proposer une nouvelle vision radicale pour une gouvernance efficace. Dans le cas contraire, le cancer se nationaliste va se propager.

Dans un premier temps, les autres pays de l'UE doivent à présent respecter la législation européenne et faire pression en faveur d'un divorce rapide et clair. Les citoyens du Royaume-Uni ont voté pour quitter l'union et ses dirigeants politiques insistent sur le fait qu'ils respecteront le résultat du référendum : ce n'est donc pas une « punition » que d'insister pour qu'ils agissent en ce sens dès que possible. Si l'inaction britannique pousse l'Europe à continuer à souffrir d'incertitude politique sur le plan économique, une séparation complète devra s'effectuer unilatéralement.

Politiquement, le Royaume-Uni est en passe de devenir un adversaire, plutôt qu'un partenaire de confiance de l'Union européenne. Avant de faire machine arrière face aux attaques, Theresa May (la ministre de l'Intérieur britannique, qui est à ce jour la principale candidate à la succession de Cameron au poste de Premier ministre), a implicitement menacé le futur statut des ressortissants de l'UE vivant au Royaume-Uni, en promettant seulement qu'ils feraient « partie de la négociation » pour la sortie de la Grande-Bretagne.

En fait, May s'est opposée au Brexit. Pourtant son hostilité anti-européenne diffère seulement en degré, mais pas en nature, de celle des politiciens pro-Brexit, comme Daniel Hannan, député conservateur et Nigel Farage, le leader du Parti indépendantiste du Royaume-Uni, qui s'est réjoui de la possibilité d'autres référendums de sortie dans l'UE.

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Heureusement la contagion post-Brexit n'a jusqu'à présent pas réussi à se matérialiser, probablement grâce à l'image publique embarrassante dont joui le Royaume-Uni depuis le 23 juin, avec ses perspectives économiques en baisse, son secteur financier (un acteur mondial de premier plan), à la recherche de nouveaux marchés et ses dirigeants qui se donnent des coups de couteaux dans le dos.

En fait, le référendum a peut-être même incité les pays de l'UE (y compris ceux qui ont des partis eurosceptiques bruyants, comme le Danemark et la Suède), à serrer les rangs pour soutenir l'adhésion à l'UE. Un sondage post-référendum en Suède a montré que 66 % des personnes interrogées sont toujours favorables à l'adhésion à l'UE. Au Danemark, une enquête similaire après le référendum du Brexit a montré une hausse de 9 % favorable à l'adhésion à l'UE.

Les dirigeants de l'UE ne doivent pas rester les bras ballants. La crise du Brexit doit être envisagée comme une chance pour l'Union, étant donné que les inquiétudes au sujet de la mondialisation, du terrorisme, de l'immigration et des inégalités sont maintenant largement partagées. Une Europe divisée n'a pas répondu à ces défis. Et même si les Britanniques vont nous manquer, l'UE sera désormais moins divisée.

Pourtant, l'UE n'est actuellement pas capable d'une action décisive et à grande échelle. Pour fournir une alternative à l'attrait émotionnel du nationalisme populiste, l'Union doit se montrer plus réactive aux exigences de ses citoyens. Cela va exiger des réformes structurelles radicales au sein de la zone euro et pour les institutions politiques centrales de l'UE.

Les économistes conviennent généralement qu'une monnaie unique sans union budgétaire ni un trésor commun est non viable. Si les Européens ne mènent pas à son terme pas la tâche qu'ils ont entamée quand ils ont créé l'euro, ils continueront de ressentir la douleur économique de la désunion structurelle. L'intégration complète devrait fournir la prospérité et une meilleure gouvernance.

Les arrangements de sécurité de l'Europe souffrent de lacunes similaires. Il est absurde que l'Europe ait une Agence spatiale européenne respectée dans le monde entier, mais aucun organisme crédible pour recueillir et échanger des renseignements dans la lutte contre le terrorisme. Les attentats de Paris en novembre dernier auraient dû rendre évident le fait que le terrorisme sans frontières exige des services de renseignements sans frontières, mais les États membres continuent de placer la souveraineté individuelle avant la sécurité collective. Davantage de coopération intergouvernementale ne suffira tout simplement pas. L'Europe a besoin d'une forte autorité centrale du renseignement.

Ce n'est qu'en se fondant sur ces réformes profondes que l'Europe pourra commencer à stopper la montée du populisme qui a conduit au succès de la campagne du « Leave » au Royaume-Uni. Certaines personnes diront que davantage de souveraineté doit être rendue aux États membres de l'UE. Je suis totalement en désaccord. Cela affaiblirait encore plus le projet d'intégration qui sauvegarde la paix et la prospérité en Europe depuis des décennies. Le populisme et l'euro-scepticisme sont les ennemis de ce projet. La seule façon de les battre consiste à bâtir une Europe qui fonctionne pour ses citoyens. Tous les autres expédients ne fonctionnent que pour les démagogues qui souhaitent suivre l'échappée du Royaume-Uni.

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