L’héritage empoisonné de Tony Blair

Tony Blair est à juste titre en droit de se proclamer l’un des politiciens ayant le mieux réussi des dernières générations, tout au moins en termes d’économie nationale et de politique sociale. Mais l’histoire se souviendra de lui principalement à cause de l’erreur stratégique qu’a été son entrée en guerre en Irak.

Pendant ses dix années de pouvoir, Blair et son chancelier de l’Échiquier, Gordon Brown, ont donné à la Grande-Bretagne l’une des plus longues périodes de stabilité économique qu’elle ait connues, une croissance relativement élevée, et un taux de chômage plus bas que jamais. Dans ce domaine, le mandat de Blair a marqué une rupture fondamentale avec la tradition du Labour de taxer pour dépenser. Il a aussi établi une nouvelle tradition de stabilité des politiques économiques, en prolongeant et en consolidant l’engagement de discipline fiscale et de basse inflation pris par le gouvernement conservateur précédent. Une politique économique stable et une croissance rapide ont permis au gouvernement de Blair d’investir davantage dans l’éducation et dans le National Health Service, la sécurité sociale.

Pourtant, l’héritage national de Blair est dominé par la désillusion et la méfiance, particulièrement envers Blair lui-même. L’une des raisons en est qu’une partie significative du parti de Blair (qu’il a rebaptisé “New Labour”) ne s’est jamais réconciliée avec la primauté qu’il a accordé aux principes de libre marché, les faisant passer avant ses anciennes valeurs socialistes ou sociales-démocrates. Une autre est que Blair semblait constamment prêter bien moins d’attention au Parlement qu’à la presse à scandale de droite : la manipulation par les médias à laquelle son gouvernement a consacré tant d’efforts a commencé par faire des merveilles, mais n’a pas tardé à faire naître un profond scepticisme et de la méfiance.

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