L'immigration comme une chance

Il est temps que les dirigeants européens admettent publiquement qu'il n'est pas possible de rendre les frontières imperméables. Malgré les tentatives pour transformer l'Europe en forteresse, chaque année, plus d'un million d'étrangers parviennent à s'y installer illégalement ; certains entrent en fraude, mais la plupart restent au-delà du temps autorisé par le visa et travaillent au noir. Faire de l’Union européenne en Etat policier ne résoudrait pas le problème : les papiers peuvent être volés ou contrefaits, la durée de séjour non respectée, les frontières franchies en fraude et les fonctionnaires peuvent être corrompus. Des mesures draconiennes pourraient réduire l'immigration, mais elles aboutiraient surtout à accroitre l'immigration clandestine.

Les dommages collatéraux sont énormes. Hormis une crise humanitaire - des milliers de personnes se noient chaque année en essayant de rejoindre l'Europe, et un bien plus grand nombre sont détenus - le contrôle des frontières et la bureaucratie qui va avec sont de plus en plus coûteux, le trafic des êtres humains et l'économie souterraine sont florissants, les immigrés clandestins constituant une proie facile et une main d'oeuvre corvéable à merci, au mépris du droit du travail et sans que l'employeur ne verse les cotisations sociales. Il faut ajouter à cela une méfiance croissante envers les hommes politiques incapables de tenir leur engagement d'arrêter l'immigration, l'image dégradées des immigrés devant l'opinion publique qui les considère comme des délinquants et non comme des gens entreprenants et le mauvais traitement des réfugiés pour dissuader les immigrés pour raison économique d'utiliser le droit d'asile.

Ces problèmes ne sont pas dus aux immigrés, mais à la quasi interdiction de l'immigration. Elle est non seulement coûteuse et cruelle, mais aussi inefficace et contreproductive. Loin de nous protéger, elle sape la législation et provoque des désordres, de la même manière que la Prohibition a causé plus de mal à l'Amérique que l'alcoolisme lui-même. Une attitude pragmatique consisterait à légaliser et à réguler l'immigration.

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