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L'improbabilité d'un atterrissage en douceur

NEW YORK – En 2021, l’essentiel du débat sur les perspectives de l’économie mondiale se concentrait sur la question de savoir si l’inflation croissante aux États-Unis et dans plusieurs autres économies avancées était une inflation temporaire ou vouée à durer. Les principales banques centrales et la plupart des chercheurs de Wall Street avaient choisi le camp du transitoire. Ils expliquaient le problème par l’existence d’effets de base ainsi que de goulots d’étranglement temporaires, sous-entendant que le niveau élevé d’inflation retrouverait rapidement la zone cible des banques centrales, autour de 2 %.

De son côté, le camp de l’inflation persistante – mené par Lawrence H. Summers de l’Université d’Harvard, Mohamed A. El-Erian du Queens’ College de l’Université de Cambridge, et plusieurs autres économistes – considérait que l’inflation demeurerait élevée, compte tenu de la surchauffe de l’économie, liée à une demande globale trop importante. Cette demande était animée par trois forces : maintien des politiques monétaires accommodantes, excès de politiques budgétaires de relance, et accumulation rapide d’épargne des ménages durant la pandémie, vouée à aboutir à une situation de demande refoulée une fois les économies réouvertes.

J’appartenais moi-même au camp de la persistance. Je faisais toutefois valoir qu’en plus d’une demande globale excessive, plusieurs chocs d’offre négatifs cumulés contribuaient à la hausse de l’inflation – et en réalité à une stagflation (moindre croissance et inflation plus élevée). La réponse initiale face au COVID-19 avait consisté en confinements, à l’origine de perturbations majeures des chaînes d’approvisionnement, ainsi que d’une réduction de l’offre de travailleurs (et par conséquent d’un marché du travail très resserré aux États-Unis). Puis, deux chocs d’offre supplémentaires sont survenus cette année : l’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie, qui a fait exploser les prix des produits de base (énergie, métaux industriels, produits alimentaires, engrais), et la stratégie « zéro COVID » de la Chine face au variant Omicron, qui a entraîné une nouvelle vague de goulots d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement.

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