unionist mural irish border Charles McQuillan/Getty Images

Les tendances suicidaires du Royaume-Uni

NEW YORK – Voir une société démocratique sophistiquée se diriger en connaissance de cause vers une catastrophe nationale prévisible et évitable est une expérience à la fois rare et effrayante. La plupart des responsables politiques britanniques sont bien conscients du fait qu’une sortie de l’Union européenne, sans accord sur les relations entre les deux parties après le Brexit, sera extrêmement préjudiciable pour leur pays. Ils n’avancent pas vers l’abîme en somnambules, mais bien éveillés.

Une minorité d’idéologues qui se bercent d’illusions ne semblent pas dérangés par la perspective d’une sortie fracassante et sans accord de l’UE. Quelques rêveurs chauvins de droite, encouragés par divers organes de presse, pensent que l’endurance britannique incarnée par la bataille de Dunkerque permettra de surmonter les difficultés initiales et que la Grande-Bretagne règnera à nouveau sur les flots comme une puissance quasi impériale, quoique sans empire. Les néo-trotskystes de la gauche, dont Jeremy Corbyn, le dirigeant du Parti travailliste, le principal parti d’opposition, semblent penser que le désastre incitera les Britanniques à finalement exiger l’instauration d’un socialisme véritable. 

La plupart des responsables politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite – dont la Première ministre Theresa May, favorable au maintien du Royaume-Uni dans l’UE avant le référendum sur le Brexit – ne sont toutefois pas aussi crédules. Et pourtant, dans leur grande majorité, tous se refusent à faire quoique ce soit pour ralentir cette dégringolade vers une sortie sans accord. Les propositions soumises à la Chambre des communes en vue d’une extension de la date de retrait, qui permettrait d’envisager une alternative à la stratégie de sortie impopulaire de May, ont été rejetées. Les politiques partisanes, des médias chauvins et un étrange désintérêt pour tout ce qui ne concerne pas les îles britanniques semblent avoir paralysé la volonté collective des politiciens britanniques. Au lieu d’agir pour éviter le pire, ils s’imaginent que de nouvelles discussions et plus de concessions de la part de Bruxelles sauveront le Royaume-Uni à la dernière minute.  

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