Légiférer sur l’histoire

NEW YORK – En octobre, le parlement espagnol a promulgué une loi sur la mémoire historique, interdisant les commémorations et les rassemblements en hommage au dictateur disparu, Francisco Franco. De plus, son régime phalangiste sera officiellement dénoncé et ses victimes seront honorées.

Diverses raisons expliqueraient la promulgation d’une telle loi. En effet, bon nombre de personnes tuées par les fascistes au cours de la Guerre civile espagnole restent des anonymes des fosses communes. On note toujours un certain degré de nostalgie de l’extrême droite à l’égard de la dictature de Franco. Les personnes qui se sont rendues sur sa tombe plus tôt dans l’année ont chanté « Nous avons gagné la Guerre civile ! », tout en incriminant les socialistes et les étrangers, en particulier les musulmans. On peut donc penser que José Luis Rodríguez Zapatero, Premier Ministre socialiste, a raison de recourir à cette loi afin d’exorciser les démons de la dictature, pour le bien de la démocratie.

Toutefois, la législation n’est pas l’instrument le plus efficace pour traiter de l’histoire. Si en Espagne le débat ne dépassera pas les limites, en revanche, il est probable que le fait d’interdire les célébrations des événements passés aille un peu trop loin. Comme on peut s’y attendre, la volonté de contrôler à la fois le passé et le présent est une caractéristique commune aux dictatures, s’appuyant sur la fausse propagande, la déformation de la vérité ou la suppression de faits. Quiconque en Chine évoque ce qui s’est passé à la Place Tienanmen (et dans de nombreux autres lieux) en juin 1989 est aussitôt aux prises avec la Police de sécurité de l’État : la plupart des événements survenus sous la présidence de Mao demeurent tabous.

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