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En Hongrie : le simulacre de la Shoah

BUDAPEST – L’exposition, qu’on peut visiter à la Maison des talents juifs de Balatonfüred, petite ville pittoresque sur la rive nord du lac Balaton, est consacrée à cent trente figures juives des sciences physiques ou de la nature, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques, dont beaucoup furent d’origine hongroise. Dans la boutique du musée, pourtant, on ne trouve rien qui puisse se rapporter plus particulièrement aux juifs en Hongrie. Au mieux peut-on y acheter une bouteille de vin casher ou une tasse ornée de la célèbre photo d’Albert Einstein tirant la langue.

Peut-être n’est-ce pas un problème et devrions-nous saluer, sans arrière-pensées, l’ouverture d’un nouveau musée juif en Hongrie, où vit une importante communauté juive, la deuxième d’Europe, mais où l’on ne compte que très peu de sites mémoriels de la Shoah. Nous pourrions même passer sur le choix du musée de ne célébrer que des figures des sciences dites « dures », qui laisse dans l’ombre plusieurs autres personnalités juives du monde savant, dont l’œuvre est plus intimement liée à des idées ou à des engagements progressistes. Ce point de vue biaisé satisfait sans doute l’actuel gouvernement hongrois, qui soutient financièrement le musée.

Mais il est impossible d’ignorer le manque douloureux de réflexion critique sur les raisons pour lesquelles les figures juives dont cette exposition veut honorer la mémoire ont été persécutées et sur ce qui leur a permis de survivre. Le seul objet matériel – en trois dimensions – du musée est une plaque, à l’entrée, qui évoque en termes vagues la « cruauté » et « un plan pour tuer ». Ce flou – ou plutôt ce silence – concernant la Shoah, et la collaboration hongroise à celle-ci, s’inscrit dans un mouvement plus ample, et troublant, à l’échelle du pays tout entier.

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