bd91e103f863879c04976c00_pa3731c.jpg Paul Lachine

Hillary Clinton à Pékin

NEW YORK – Hillary Clinton s’en va en Chine. La secrétaire d’Etat américaine a pris une sage décision en effectuant son premier déplacement à l’étranger en Asie. S’il est, de plus, mené avec aplomb, ce voyage pourrait s’avérer très fructueux pour l’administration Obama qui tente de rétablir sa suprématie mondiale.

Le fait que Mme Clinton ait choisi d’aller en Asie maintenant, tandis que le Département d’Etat n’est pas finalisé – il n’y a pas d’ambassadeur à Pékin, de nombreux officiels sont partis ou en train de partir et leurs remplaçants ne sont pas encore en place – montre qu’elle est déterminée à revendiquer l’Asie comme son propre territoire.

Hillary Clinton apporte aux relations sino-américaines de l’ouverture et la volonté de proposer une nouvelle architecture. Mais, tandis qu’une myriade de questions se profile, il importe à ses yeux de trouver un centre d’intérêt commun sous-jacent afin de renforcer cette relation bilatérale des plus importantes. Paradoxalement, le défi du changement climatique est un excellent point de départ.

Le gouvernement chinois ne devrait pas sous-estimer l’engagement de Clinton et d’Obama à ce propos. Tout comme Mme Clinton nous en a fait part lors d’un discours à l’Asia Society à New York avant son départ : « collaborer à la production d’énergie propre et de manière toujours plus efficace nous donne l’occasion d’approfondir l’ensemble des relations sino-américaines. »

Reconnaissant publiquement que les Etats-Unis sont « les plus forts émetteurs de gaz à effet de serre », Mme Clinton a aussi affirmé que les Etats-Unis devaient montrer l’exemple en réduisant les émissions nocives et en développant une économie faible en carbone. Voilà bien longtemps que la Chine souhaitait l’entendre dire.

Clinton a ainsi planté le décor d’une éventuelle association avec la Chine dont le cœur n’est autre que le changement climatique. La réceptivité des Chinois reflétera le degré d’avancement de la discussion entre la théorie et la pratique, tout en permettant de stabiliser la relation des deux pays.

Subscribe to PS Digital
PS_Digital_1333x1000_Intro-Offer1

Subscribe to PS Digital

Access every new PS commentary, our entire On Point suite of subscriber-exclusive content – including Longer Reads, Insider Interviews, Big Picture/Big Question, and Say More – and the full PS archive.

Subscribe Now

Jusqu’à présent, les Chinois ont adopté une attitude attentiste, puisque les officiels souhaitaient savoir quels émissaires Obama leur enverrait et ce qu’ils leur diraient. Leur prudence est compréhensible. Mais la Chine ne semblait pas avoir pris conscience de l’incertitude des choses aux Etats-Unis ni comment l’arrivée de ce nouveau président dégage un flux de mouvements totalement inédit.

S’ils l’avaient anticipé, les Chinois auraient pu influencer la décision provenant finalement des Américains. Puisque, lorsqu’il s’agit de la Chine, Clinton et Obama sont yizhang baizhi « une feuille de papier vierge ». Avec Clinton à Pékin, l’heure est venue d’esquisser un avenir sino-américain de manière prévenante et mûrement réfléchie.

Dans son discours, Clinton a évoqué un vieil aphorisme chinois Tongchuan Gongji  : « Si, sur un même bateau, traversez le fleuve ensemble pacifiquement. » Cet aphorisme fait référence à un ancien épisode dans lequel des soldats des Etats en guerre Wu et Yue se retrouvent sur le même bateau pour traverser un fleuve durant une tempête et acceptent de baisser les armes pour se créer un passage commun. La métaphore est judicieuse étant donné la situation dans laquelle les Etats-Unis et la Chine se trouvent à l’heure actuelle : sur une planète dangereusement réchauffée par nos progrès frénétiques.

Il est inévitable et justifié qu’Hillary Clinton aborde le Tibet, les droits de l’homme et d’autres sources de différends. Mais il semble évident qu'elle souhaite le faire dans le contexte d’une nouvelle relation sino-américaine, plaçant la collaboration au cœur de ses préoccupations.

Les dirigeants chinois seraient mal avisés de considérer le changement climatique comme une question subsidiaire, à l’instar d’un problème posé aux pays en voie de développement tels que la Chine afin de bloquer leurs progrès économiques. La Chine devrait répondre à l’appel de Clinton pour collaborer sur le changement climatique. Cela deviendrait le parangon d’un changement radical dans les relations sino-américaines, à l’image du front uni contre l’Union Soviétique lorsque Richard Nixon et Henry Kissinger sont allés en Chine en 1972 pour entamer une normalisation de leurs relations.

En étudiant cette question fondamentale, les dirigeants Chinois devraient aussi mesurer la malléabilité actuelle de la politique étrangère des Etats-Unis. Même s’ils ont coutume de voir les Etats-Unis comme une « grande puissance » dominatrice et bien souvent critique, la réalité est différente aujourd’hui. Les Etats-Unis entament en effet un chapitre totalement nouveau de leur histoire, et ce avec une nouvelle administration. Ainsi que Deng Xiaoping l’a si fameusement rédigé dans ses notes sur la réforme en Chine dans les années 1980 : « Nous sentons que nous remontons le fleuve sur des rochers. »

Ce n’est pas tant que l'administration Bush a laissé les relations sino-américaines dans un très mauvais état, mais que les probabilités d’une véritable amélioration n’ont jamais été aussi élevées. L’ouverture de Clinton à de nouvelles méthodes et son déplacement précoce à Pékin donnent une excellente occasion aux dirigeants Chinois de l’aider à se battre contre le changement climatique. Probablement le défi le plus important auquel le monde doit faire face à notre époque, une odyssée commune.

https://prosyn.org/1j11h3ufr