Les cités fournaises

COPENHAGUE – Il est déjà possible de voir aujourd’hui même les effets du réchauffement climatique sur notre planète. Pour avoir un aperçu du futur, il suffit d’aller à Beijing ou à Tokyo, en fait dans n’importe quelle métropole du monde.

La plupart des zones urbaines mondiales connaissent depuis quelques décennies déjà une élévation des températures bien supérieure à l’accroissement prévu de 2,6 degrés sur les prochaines cent années en raison du changement climatique.

La raison en est simple. Par les jours de grandes chaleurs, les habitants de New York s’allongent sur l’herbe de Central Park, pas sur le bitume des parkings ou le ciment des trottoirs. Les briques, le béton et le bitume – les matériaux dont les cités sont construites – absorbent beaucoup plus le rayonnement solaire que la végétation des campagnes.

La superficie d’une ville comprend bien plus de bitume que d’herbe, raison pour laquelle l’atmosphère au-dessus d’une zone urbaine se réchauffe. Ce phénomène, appelé « île de chaleur urbaine » a été découvert au-dessus de Londres au début des années 1880.

Aujourd’hui, les villes à la croissance la plus rapide se trouvent en Asie. Beijing a une température de 10 degrés plus élevée que la campagne environnante dans la journée et de 5,5 degrés durant la nuit. À Tokyo, les différences sont encore plus marquées. Au mois d’août, le thermomètre indiquait 12,5 degrés de plus en ville qu’à la campagne, atteignant 40 degrés - une chaleur torride qui s’est fait ressentir non seulement dans le centre-ville, mais sur une superficie de 8000 km2.

Si l’on prend le cas de Houston, au Texas, une autre ville qui se développe rapidement, on peut constater les véritables effets de l’île de chaleur urbaine. Au cours des dernières douze années, Houston a cru de 20 pour cent, ou de 300.000 habitants. Durant cette période, les températures nocturnes ont augmenté de 0,8 pour cent. Sur cent ans, cela signifierait une hausse effarante de 7 degrés.

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Mais bien que les stars écologistes nous prédisent un désastre imminent lié au changement climatique, la capacité de ces villes à faire face nous donne peut-être une vision plus réaliste. Malgré une élévation considérable des températures depuis 50 ou 100 ans, ces villes ne se sont pas effondrées.

Malgré ce réchauffement, les décès dus à la chaleur ont diminué grâce aux meilleurs soins de santé et à la climatisation. Nous avons plus de moyens financiers et une bien meilleure technologie que n’en avaient nos prédécesseurs.

Bien sûr, les villes subiront aussi, en plus d’une île de chaleur urbaine toujours plus importante, la hausse des températures liée au dioxyde de carbone, ou gaz à effet de serre. Mais nous pouvons agir. Contrairement à nos devanciers, qui n’ont rien fait ou presque contre les îles de chaleur urbaine, nous pouvons essayer d’en minimiser les conséquences.

Alors que tous les efforts des personnalités écologistes visent à réduire les émissions de CO2, nous pouvons accomplir davantage – et à moindres coûts – en nous attaquant au problème des îles de chaleur urbaine. Des solutions simples peuvent avoir des répercussions notables sur les températures.

Les villes sont aussi plus chaudes que la nature alentour parce qu’elles sont plus sèches. Il n’y a pas d’espaces verts humides et les systèmes d’évacuation des eaux sont suffisamment efficaces pour qu’il n’y ait pas d’eau résiduelle. À Londres, l’air autour de la Tamise est plus frais qu’à quelques pâtés de maisons de là. En plantant des arbres et en installant des fontaines, nous ne ferions pas qu’embellir les villes, nous ferions aussi baisser les températures – de plus de 8 degrés selon des modèles climatiques.

De plus, même si elle peut paraître ridiculement simple, l’une des meilleures méthodes pour faire baisser les températures est de peindre les surfaces en blanc. Une partie importante de la superficie d’une ville est occupée par des rues goudronnées et des surfaces sombres, absorbant la chaleur. En augmentant la réverbération et l’ombre, on peut éviter une grande partie de l’accumulation de chaleur. En peignant une grande partie d’une ville, on pourrait abaisser la température de 10 degrés.

Ces mesures sont simples, évidentes et peu onéreuses. Prenons le cas de Los Angeles par exemple. Refaire les toitures de 5 millions de maisons en couleurs claires, peindre un quart des routes et planter 11 millions d’arbres coûterait environ 1 milliard de dollars. Pour chacune des années suivantes, ces mesures réduiraient les frais de climatisation de 170 millions de dollars environ et une économie de 360 millions de dollars en frais de réduction de la pollution. Et elles abaisseraient la température de la ville de près de 3 degrés – soit environ la hausse prévue au cours de ce siècle.

Ces coûts doivent être comparés aux 180 milliards de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, qui n’aura pour ainsi dire aucun effet.

Aujourd’hui, les choix les plus simples tendent à être ignorés dès lors qu’il s’agit de s’attaquer au réchauffement climatique. Il est temps que cela change. Il nous revient de choisir quel avenir nous voulons.

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