La Cour européenne face aux discriminations

La Cour européenne des droits de l'homme procède à des auditions concernant deux des affaires les plus importantes de son histoire. Comme dans l'affaire Brown v. Board of Education qui a permis de mettre fin à la ségrégation raciale en Amérique il y a un demi-siècle, il est demandé à la Cour européenne de donner son interprétation du principe fondamental d'égalité. Ses décisions devraient permettre d'établir des règles de base claires pour une future politique de l'Europe à l'égard de ses minorités ethniques et religieuses qui sont de plus en plus nombreuses. Les plaignants appartiennent à la minorité la plus pauvre et la plus importante d'Europe : les Rom ou tsiganes dont les ancêtres seraient venus d'Inde il y a plusieurs siècles.

L'une de ces affaires concerne 18 enfants rom de la ville d'Ostrava en République tchèque. Ils ont été placés dans des écoles "spéciales" destinées aux handicapés mentaux où ils ont reçu une éducation d'un niveau manifestement très bas. Ces enfants disent que ces écoles constituent un obstacle à leur évolution sociale et économique. Beaucoup de Rom sont envoyés dans des écoles spéciales alors qu'ils ne montrent aucun signe d'un quelconque handicap mental. Peu d'entre eux parviennent au lycée ou à l'université. Il en résulte un chômage bien plus élevé parmi les Rom que dans le reste de la population, ceci en République tchèque comme dans une grande partie de l'Europe. Des documents présentés à la Cour montrent que dans certaines régions de République tchèque, la probabilité qu'un enfant rom se retrouve dans une école spécialisée est 27 fois plus élevée que pour un autre enfant. Les plaignants estiment qu'il s'agit de ségrégation raciale, ce que le gouvernement nie avec la plus grande énergie. L'audition devant la Cour est prévue pour le 1° mars.

La seconde affaire concerne la Bulgarie. En 1996, la police militaire a abattu et tué deux conscrits rom qui avaient déserté d'un chantier de construction de l'armée. On savait pourtant qu'ils n'étaient pas dangereux et qu'ils n'étaient pas armés. La police militaire a tiré sur eux en plein jour à l'arme automatique dans un quartier à large majorité rom où habitait la grand-mère de l'une des victimes. Immédiatement après les faits, un membre de la police militaire aurait crié "Sale tsigane" en direction de l'un des habitants tout en le visant avec son arme. L'année dernière, un arrêt de chambre de la Cour a conclu que la fusillade et l'enquête à laquelle elle avait donné lieu avaient été marqués par une animosité raciale. A la demande du gouvernement bulgare, la Grande Chambre de la Cour a accepté de réexaminer l'affaire avant fin février.

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