Les grandes banques sont de retour

CAMBRIDGE – Le mois dernier, le Congrès des États-Unis a cédé devant le lobbying de Citigroup, et abrogé une disposition clé de la loi de 2010 intitulée Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, à savoir la règle interdisant aux banques d’effectuer des transactions d’instruments dérivés. La loi Dodd-Frank avait initialement pour objectif d’empêcher la survenance d’une nouvelle crise financière semblable à celle de 2007-2008 ; cette décision d’abrogation vient désormais réduire ses chances de succès.

Les instruments dérivés consistent en contrats tirant leur valeur d’un certain nombre d’évolutions survenant sur le marché, telles que la fluctuation des taux d’intérêt, des taux de change, ou du prix des matières premières. Les banques sont amenées à recourir à des instruments dérivés dans le but de couvrir le risque – par exemple en s’assurant que les producteurs pétroliers auxquels elles consentent des prêts verrouilleront les prix d’aujourd’hui concernant leurs produits via des contrats de dérivés, ces producteurs et la banque étant ainsi protégés contre la volatilité des prix. L’emprunteur est ainsi davantage en mesure de rembourser son crédit, même en cas de chute du prix de sa production. Seulement voilà, les instruments dérivés peuvent également être utilisés à des fins spéculatives, permettant aux banques de prendre des risques excessifs.

La dernière crise survenue est née sur le marché de l’immobilier, faisant suite à une chute inattendue et considérable du prix des logements. Elle s’est ensuite propagée aux institutions financières, qui n’ont pas été en mesure de faire face aux pertes associées à la défaillance des prêts hypothécaires, aux saisies, ainsi qu’à la dépréciation des titres attachés aux logements. Les instruments dérivés sont venus aggraver la crise, notamment à l’issue de la liquidation du portefeuille de l’établissement en faillite Lehman Brothers, à l’époque quatrième plus grande banque d’investissement de la planète. Le lendemain, le gouvernement des États-Unis était contraint d’étendre un plan de sauvetage de 85 milliards $ auprès d’American International Group (AIG), plus grand assureur mondial, en raison de l’incapacité du groupe d’appuyer la position défaillante de ses instruments dérivés. Ces différents échecs ont perturbé les marchés des dérivés à travers le monde, aboutissant à la paralysie des marchés financiers.

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