acemoglu53_Lea SuzukiThe San Francisco Chronicle via Getty Images_google Lea Suzuki/The San Francisco Chronicle via Getty Images

Les manières peu recommandables d'agir des entreprises

BOSTON – Les hommes d’affaires sont-ils plutôt des héros ou des bandits ? Les exemples de chaque type abondent dans les récits de fiction, de l’avaricieux Ebenezer Scrooge, le protagoniste principal d'Un Chant de Noël de Charles Dickens à l’épique entrepreneur individualiste John Galt du roman La Grève d’Ayn Rand. Dans le roman Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald, Tom Buchanan est le représentant cruel et sans empathie des élites fortunées, tandis que Jay Gatsby est un millionaire qui a réussi par ses propres moyens et qui ne manque pas d’idéalisme et de sentimentalité. 

Les sciences sociales font la même distinction dans les descriptions des entrepreneurs. Pour Joseph Schumpeter et ses disciples, les entrepreneurs sont la force motrice de la croissance économique, les figures héroïques qui donnent naissance à la « tempête perpétuelle de la destruction créatrice ». En revanche, dans son ouvrage La situation de la classe ouvrière en Angleterre, Friedrich Engels dresse un réquisitoire contre les industriels britanniques qui non seulement maintenaient leurs travailleurs dans une abjecte pauvreté, mais leur imposaient en plus des conditions de vie et de travail inhumaines. Ultérieurement, Engels et Karl Marx réunirent toutefois les deux rôles en tant qu’élément essentiel de leur théorie du capitalisme : les hommes d’affaires sans scrupules exploitent certes les travailleurs, mais ils suscitent également l’innovation et la croissance, transformant à terme la société.
 

Ces représentations antagonistes reflètent l’appréciation complexe qu’a la société du monde des affaires. De toute évidence, il serait naïf de s’attendre à ce que les entrepreneurs soient tous soit des héros, soit des bandits. Comme la plupart d’entre nous, ils sont souvent les deux à la fois.

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