drew53_ Scott OlsonGetty Images_joebidenpresidentialcampaignrally Scott Olson/Getty Images

Pourquoi Biden ?

WASHINGTON, DC – La course à l’investiture démocrate la plus importante et la plus inhabituelle, peut-être de tous les temps, visant à désigner un candidat face au président américain en exercice est pour ainsi dire terminée. Les chances de l’ancien vice-président Joe Biden étaient jugées bien minces par la majorité des observateurs jusqu’à ce que sa large victoire en Caroline du Sud le mois dernier et ses succès dans d’autres États du Sud inversent la tendance. Il a aujourd’hui pris tellement d’avance en terme de délégués sur son rival, le sénateur Bernie Sanders, qu’il sera quasiment impossible pour ce dernier de reprendre l’avantage. En remportant haut la main les primaires démocrates dans les trois États qui ont voté le 17 mars – la Floride, l’Illinois et l’Arizona – Biden a doublé son avance en réunissant 300 délégués de plus que son adversaire. (L’État de l’Ohio a annoncé le report de sa primaire en raison de la pandémie du Covid-19). Suite au débat qui l’a opposé à Biden le dimanche 15 mars, Sanders, qui avait déjà indiqué qu’il pourrait renoncer à la course à l’investiture, a récemment dit « réfléchir à la suite ».

Après un début de campagne lamentable dans l'Iowa et le New Hampshire (où il a terminé respectivement en quatrième et cinquième places) et des résultats peu impressionnants dans le Nevada (loin derrière Sanders), Biden semblait bien mal parti. Il a pourtant rapidement trouvé un second souffle, grâce à quelques facteurs clés : la nature non représentative des électeurs de l'Iowa et du New Hampshire, majoritairement blancs, la force du vote noir dans le Sud, et le soutien déterminant apporté à Biden par le député Jim Clyburn, le plus haut responsable noir du Congrès, le « whip » de la majorité de la Chambre des représentants, et la plus puissante personnalité politique afro-américaine de la Caroline du Sud (et peut-être de tout le Sud). Mais surtout, Biden lui-même a changé.

Comme me l’a récemment expliqué Clyburn, parlant de la transformation du candidat démocrate, à peine un Biden incertain (et rouillé) était-il entré dans la course qu'il subissait les attaques venues de la Maison-Blanche concernant les activités de son seul fils survivant, Hunter, qui avait rejoint le conseil d'administration d'une grande compagnie de gaz ukrainienne, Burisma, au moment même où Biden, en tant que vice-président de Barack Obama, était chargé de s'occuper de la corruption généralisée en Ukraine. Cette affaire a mis Biden sur la défensive ; ensuite, toujours selon Clyburn, « des femmes l'ont accusé d'être trop tactile », ce qui intensifié son malaise. Alors que Biden tentait de s'adapter à ces diverses accusations, m'a encore dit Clyburn, il a subi l'attaque de la sénatrice démocrate de Californie Kamala Harris qui a rappelé que Joe Biden s’était opposé dans les années 1970 au « busing », qui visait à promouvoir la mixité raciale en transportant des élèves noirs dans des écoles majoritairement blanches.  Même si Biden était un partisan de longue date des droits civiques, l’idée d’un transport par bus des étudiants noirs, souvent sur de longues distances, était profondément impopulaire auprès de ses électeurs de la classe ouvrière. (Il se trouve que Clyburn s'était lui aussi opposé au « busing » à l’époque, ainsi que de nombreuses familles afro-américaines).

https://prosyn.org/DQDZJagfr