mayaki5_STRAFP via Getty Images_africancontinentalfreetradeunion STR/AFP via Getty Images

L'Afrique doit accélérer la mise en place de sa zone de libre-échange pour réduire sa dépendance.

JOHANNESBURG – L’économie mondiale est frappée de plein fouet par la crise du Coronavirus. La dépression économique globale sera durable. L’Afrique est aujourd’hui le continent le moins atteint par la pandémie du Covid-19, mais la majorité des États qui la composent ont choisi d’anticiper en limitant les voyages non-essentiels, les rassemblements et en fermant écoles et universités. Il est impossible de dire si ces mesures suffiront à endiguer la contagion. L’Afrique risque en revanche d’être durement impactée par le ralentissement de la croissance mondiale, car ses principaux partenaires entreront en récession : les pays de l’Union européenne, et peut-être la Chine. Or l’économie du continent reste marquée par l’extraversion, c’est-à-dire par une forte dépendance à la demande mondiale, notamment dans le domaine des matières premières. Les pertes de recettes à l’exportation devraient se chiffrer à 101 milliards de $, selon une première estimation de la Commission Économique pour l’Afrique (CEA), dont 65 milliards pour les pays pétroliers, alors que les dépenses de santé pourraient grever d’au moins 10 milliards de $ les budgets des États du continent. On peut aussi craindre des ruptures de la chaîne d’approvisionnement en produits pharmaceutiques, et des pénuries alimentaires, les deux tiers des pays africains étant importateurs nets.

Confrontés à la menace récurrente de la fièvre hémorragique Ébola, certains États du continent disposent d’une expérience qui pourra être mise à profit pour ralentir la propagation de la pandémie du Coronavirus. En République Démocratique du Congo, mais aussi en Afrique de l’Ouest, région directement impactée par l’épidémie de 2014-2016, qui a frappé le Nigéria, la Guinée et le Libéria, les instituts de santé publique nationaux ont renforcé leurs capacités institutionnelles. La riposte s’organise rapidement : en l’espace d’un mois, le nombre de centres africains capables d’effectuer des tests diagnostiques est passé de deux à quarante, grâce au concours de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La réponse doit aussi s’organiser au niveau panafricain, à travers les Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies (African Centres for Disease Control and Prevention) de l’Union africaine, qui viennent de réceptionner un important don chinois de kits de dépistage du Covid-19. Une Agence africaine du médicament (AMA) a été instituée en 2019. Elle doit devenir opérationnelle sans tarder et assurer la coordination d’un Plan de fabrication de produits pharmaceutiques pour l’Afrique (PMPA), qui, lui non plus, ne saurait attendre.     

La crise économique qui s’annonce risque cependant d’avoir des effets aussi déstabilisants que la crise sanitaire pour nos économies fragiles. Alors, que faire ? L’Afrique n’aura d’autre choix que de compter d’abord sur ses propres forces pour atténuer l’impact du choc à venir et anticiper le nouveau cycle de la mondialisation qui s’annonce. L’Afrique ne devra pas compter sur un salut qui viendrait de l’extérieur, mais plutôt sur sa résilience aux crises et son agilité dans le domaine de l’innovation frugale. Le monde de demain, dans son organisation, dans ses circuits d’échange et de commerce, et dans son rapport au travail et à l’enseignement, sera un monde très différent de celui que nous connaissions jusqu’en 2019. Les nouvelles technologies seront appelées à y jouer un rôle encore accru. Il faut s’y préparer. L’Afrique doit accélérer le déploiement des infrastructures de télécommunication indispensables (fibre optique, internet haut débit) et investir dans le renforcement de ses compétences. Ses entreprises doivent accélérer leur transition numérique pour demeurer attractives. Pour tous, l’effort, sera conséquent et contraignant , mais l’heure est la mobilisation générale.

https://prosyn.org/e5KfPS7fr