Présidence de Juncker, ça passe ou ça casse

BRUXELLES – On entend souvent que la scène politique, bien plus que les mesures politiques elles-mêmes, constituerait le véritable moteur des démocraties. Un adage illustré par cette pièce théâtrale – aux accents comiques – qui se joue actuellement dans l’Union européenne. Les élections parlementaires européennes du mois de mai dernier ont mis en lumière le « tableau global » de l’impopularité croissante de l’UE, le signal d’alarme ayant pourtant été rapidement éclipsé par cette question bien moins importante de savoir qui occupera la direction de l’UE à la tête de la Commission européenne.

Or, seul importe véritablement l’ensemble du tableau. Le message des élections parlementaires européennes est celui d’une perte de confiance de l’opinion publique à l’égard de l’UE, qui s’est aggravée à une vitesse alarmante. Pendant quelques semaines, toute l’attention de Bruxelles et de la plupart des capitales européennes s’est concentrée sur les réformes nécessaires au retour de la confiance chez près de 300 millions d’électeurs.

Mais voici que cette attention s’est rapidement reportée sur une agitation officielle parmi les dirigeants nationaux de l’UE autour de la question de savoir si le luxembourgeois Jean-Claude Juncker devrait décrocher le job le plus important de l’Union, ce qui constitue précisément le genre de problématiques susceptibles de véhiculer l’image selon laquelle les affaires suivraient un cours normal – telle une véritable défiance de la vague d’euroscepticisme exprimée par les suffrages dans l’ensemble de l’Europe. Juncker a certes occupé la fonction de Premier ministre de son pays pendant près de vingt ans, constituant ainsi un visage familier sur la scène de l’UE. Bien que l’homme soit extrêmement compétent, il ne semble pas exactement avoir l’étoffe d’un nouvel arrivant transcendant, dont l’apparition serait susceptible d’annoncer un changement.

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