hoover dam Manav Gupta/Flickr

Quelle pénurie énergétique ?

MARTIGNY, SUISSE – S’il était possible de capter et d’utiliser l’énergie de seulement deux minutes des rayons du soleil qui réchauffent la planète, ce serait suffisant pour fournir de l’énergie aux véhicules, pour éclairer et chauffer les bâtiments et assurer tous les besoins en électricité pendant une année entière. En termes simples, l’humanité ne subit pas vraiment les effets d’une pénurie d’énergie, mais fait plutôt face à des difficultés techniques pour la capter et la distribuer aux usagers. Or une des meilleures façons pour régler ce problème est d’investir dans des moyens plus efficaces pour l’emmagasiner.

Bon nombre des problèmes du monde contemporain sont attribuables à l’utilisation d’énergie, que ce soit les conflits tournant autour de l’approvisionnement du pétrole, les problèmes préoccupants des émissions de gaz à effet de serre, les pertes d’efficacité et de production découlant de pénuries d’énergie et de pannes de courant. Il y a plus de 1,3 milliard de personnes dans le monde qui n’ont pas d’électricité ; et près de 2,6 milliards qui ne disposent pas d’appareils modernes de cuisine. Plus de 95 % de ces personnes vivent en Afrique subsaharienne ou dans les pays en développement de l’Asie, et 84 % d’entre eux habitent en région rurale.

Ainsi, lors de la campagne électorale récente pour la présidence du Nigeria, une femme interrogée sur les résultats qu’elle voulait voir les candidats réaliser, a donné une réponse qui tenait en un mot : « lumière ». L’éclairage électrique, un service de base, lui permettrait de continuer à travailler le soir et à ses enfants d’étudier.

Les problèmes de fiabilité du réseau électrique ou même d’absence d’électricité sont courants dans la plupart des pays d’Afrique et du sous-continent indien, ainsi que dans d’autres régions d’Asie. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, des améliorations apportées au secteur de l’énergie pourraient assurer l’équivalent d’une décennie de croissance pour certaines des régions les plus démunies du monde.

La crise mondiale de l’énergie que nous vivons en ce moment a été aggravée par le manque d’innovation. Selon une étude du laboratoire national de Lawrence Livermore administré par le gouvernement des États-Unis, plus de 60 % de l’énergie que nous utilisons se perd entre le moment où elle est produite et celui où elle est consommée. Ce calcul comprend l’inefficacité de la conversion des combustibles fossiles en électricité, les pertes de transmission, les comportements de gaspillage des consommateurs, et la nécessité de maintenir des réserves de capacité pour prévenir les pannes de courant.

Une nouvelle vague d’innovation est requise, qui élimine le gaspillage général, réduit la pollution et élargit l’accès à l’énergie dans le monde entier. Ceci signifie qu’il faut redoubler d’effort sur l’emploi de technologies qui augmentent l’efficacité comme les communications sans fil, les communications entre les équipements, les compteurs intelligents et sur une meilleure gestion de la production.

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Les sources d’énergie renouvelable, notamment l’énergie éolienne et solaire sont bien positionnées pour contribuer aux besoins énergétiques tant dans les économies développées qu’émergentes. Mais puisque le soleil ne brille pas toujours et que parfois le vent cesse de souffler, ces sources d’énergie sont instables et intermittentes. Et ce problème persistera tant que nous ne sommes pas en mesure de stocker l’énergie des sources renouvelables de manière efficace.

Les études réalisées par le US Western Electricity Coordinating Council ont révélé que de meilleures méthodes de stockage de l’énergie pourraient réduire les pertes totales de 18 % et relever l’efficacité de l’électricité de 11 %. Le meilleur stockage de l’énergie faciliterait également la distribution d’électricité dans des régions éloignées qui sont actuellement mal desservies, et contribuerait aussi à une meilleure utilisation de sources d’énergie souvent rares.

Une méthode éprouvée pour stocker l’énergie consiste à utiliser les capacités excédentaires pour pomper de l’eau dans des réservoirs, pour qu’elles puissent être utilisées ultérieurement par des turbines lorsque la demande est élevée. Mais cette technique ne peut être utilisée que dans des régions montagneuses, ce qui la rend inutilisable en tant que solution de marché généralisée. Des domaines prometteurs de recherche comprennent les accumulateurs à l’échelle du réseau qui peuvent se charger et se décharger 10 000 fois, ainsi que des algorithmes d’analyse de données pour optimiser l’utilisation des accumulateurs pour rendre le réseau le plus efficace possible.

Il n’est pas suffisant de produire de l’énergie. Nous devons aussi nous en servir de manière efficace et l’adoption généralisée de technologie de stockage à la fine pointe fera partie intégrante de la solution. Il faudra du temps avant d’assurer des sources d’énergie mondiale stables, efficaces, accessibles et abordables. Mais des percées sont à l’horizon. Notre tâche consiste à ne pas les ignorer.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier

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